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Borgia

Titel: Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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il marchait d’un pas irrégulier, les mains croisées au dos, la tête penchée et des paroles confuses lui échappaient…
    Tout à coup Ragastens bondit sur lui et le terrassa. Hébété par la stupeur, Borgia demeura une seconde sans voix : cette seconde suffit à Ragastens. Lorsque le pape voulut pousser un cri de détresse et d’appel, il était trop tard : il se trouvait bâillonné.
    En quelques instants, Ragastens acheva de le ligoter, comme il avait fait pour Boniface. Alors, il le souleva, le plaça sur son épaule et, courbé sous le poids, il regagna le pavillon du jardinier et déposa le vieux Borgia sur un lit. Les yeux du pape flamboyaient de menaces. Mais Ragastens ne les vit pas.
    Son fardeau à peine déposé, il regagna le jardin et courut à la petite porte qu’il ouvrit. Raphaël et Machiavel étaient là. Spadacape gardait les chevaux sous les cyprès.
    – Vite ! murmura Ragastens. Nous le tenons…
    Tous les trois entrèrent et se mirent à filer rapidement vers le pavillon.
    Raphaël sentait son cœur qui battait à tout rompre. Machiavel était froid et résolu, comme à son habitude. Ragastens, lui, éprouvait sans doute cette grave fierté que l’on doit éprouver à tenir palpitante dans sa main la destinée de l’un des maîtres du monde.
    Et quel maître ! Le plus puissant… le plus absolu, celui qui ne commandait pas seulement aux hommes, mais aux maîtres des hommes, à la conscience des peuples.
    Et tandis qu’ils se glissaient ainsi dans le jardin, chacun d’eux évoquant en cet instant un monde de pensées qui tourbillonnaient dans leur tête, le glas de la chapelle continuait à laisser tomber de minute en minute ses tintements voilés qui vibraient, lugubres, dans le grand silence de la nuit.

XXXIII – LE PHILTRE D’AMOUR
 
    Après sa nocturne entrevue avec la Maga, Rodrigue Borgia était rentré dans ses appartements de la villa. Nul ne l’avait remarqué.
    À Tivoli comme au Vatican, comme dans tous les palais ou villas qu’il lui arrivait d’habiter, il y avait des issues secrètes qu’il était seul à connaître.
    Arrivé dans sa chambre, il examina le minuscule flacon que la sorcière lui avait remis. Il le tourna et le retourna dans ses doigts avec une sourde joie.
    – Demain ! murmura-t-il avec un soupir brisé. Demain, elle sera à moi… Si cette fille me résistait, je ne sais quel affolement…
    Il serra les poings. Mais il se calma.
    – Avec ceci, je la tiens !…
    La science des aphrodisiaques est éteinte : elle vivait encore au temps de Borgia. Plus d’une fois, il avait eu recours à elle. Il en connaissait les effets. Il était parfaitement convaincu que, grâce au flacon de la Maga, la vierge qu’il convoitait se transformerait en une fille d’amour.
    Pendant le reste de la nuit, le vieux Borgia, morne et silencieux, rêva de ces choses et s’exerça à imaginer des raffinements où la passion confinait aux limites de la cruauté. La journée qui suivit s’écoula avec lenteur. Il commanda qu’on le laissât seul.
    Vers le soir, il fit appeler Piérina, la matrone qu’il avait commise à la surveillance de sa proie.
    – Dame Piérina, demanda-t-il, où est l’enfant ?
    – Au jardin.
    – Est-ce bientôt le moment où elle doit remonter à son appartement ?
    – Dans quelques instants…
    – Dites-moi, dame Piérina, a-t-elle l’habitude de boire, le soir, en s’endormant ?
    – Elle boit beaucoup : la fièvre, sans doute.
    – Que boit-elle ?
    – De l’eau. L’eau est dans une carafe. La carafe sur une table, près du lit.
    La matrone, en parlant, regardait fixement le pape.
    Celui-ci se taisait. Non qu’il hésitât : son désir, simplement, l’emportait loin de la réalité présente. Il rêva ainsi quelques minutes, les yeux à demi fermés. Tout à coup, il fit effort pour revenir à l’entretien. Et il constata que Piérina avait disparu. Il frappa du pied avec impatience et déjà il saisissait le marteau pour appeler sur le timbre. À ce moment, Piérina rentra.
    Elle tenait une carafe à la main.
    Le vieux Borgia sourit. Il y avait dans ce sourire une sorte d’orgueil d’avoir des domestiques si bien dressés à comprendre sa pensée.
    – J’ai pensé, dit Piérina, qu’il fallait vous monter la carafe. J’ai été la chercher. Elle est à moitié pleine d’eau fraîche et limpide.
    Elle posa la carafe sur une table, sans que Borgia eût un geste d’approbation. Seulement, il

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