Byzance
meilleure chance que nous avons de battre en brèche les défenses du Palais. Partout ailleurs les murs sont verticaux, mais ici les sièges nous offrent une pente naturelle. Il n’est jamais sage d’attaquer en remontant une pente si on peut l’éviter, mais attaquer en remontant une pente vaut mieux qu’attaquer la face verticale d’une montagne.
L’Étoile bleue acquiesça.
— La situation est très différente de ce que nous escomptions hier soir, n’est-ce pas, gamin ?
Halldor parcourut des yeux les gradins qui continuaient de se remplir.
— Très différente. Mais telle est la nature de ce conflit. Il nous offre toujours de l’inattendu.
* *
*
— C’est comme si Dieu parsemait la terre d’étoiles, dit Bianca Maria, au bastingage du dromon de Mar qui s’avançait vers la ville. À quoi servent ces feux ?
Mar regarda les incendies et les explosions en train de se produire dans les quartiers riches de la ville. De son poste d’observation sur la mer de Marmara, les immenses langues de flamme semblaient peintes en couleurs irréelles. Les palais des dynatoï s’écroulaient.
— Il y a des troubles dans la ville ce soir, ma précieuse, répondit Mar. Mais tout sera fini demain et vous pourrez tout voir.
L’énorme galère vira vers bâbord pour s’engager dans le port de Bucoléon. Les lumières du Palais scintillaient comme à l’accoutumée.
— C’est là que vit l’empereur, dit Bianca Maria, sûre de son fait.
— Oui. Rappelez-vous ce que je vous ai dit sur la manière convenable de le saluer.
Des gardes khazars attendaient près de la jetée quand le dromon accosta. Seul Mar, Gris Knutson et Bianca Maria débarquèrent. On les escorta de terrasse en terrasse parmi les statues, ils contournèrent les absides des bains impériaux puis pénétrèrent dans le Chrysotriklinos. Ils se prosternèrent comme il convient, puis se relevèrent devant l’empereur.
— Quelle enfant adorable ! Comment vous appelez-vous ? dit Michel en se penchant vers la jeune compagne de Mar.
— Bianca Maria, Majesté.
— Eh bien, hétaïrarque, si je puis me permettre de vous redonner votre ancien titre, votre retour est si providentiel que je vous crois poussé par le Saint-Esprit.
— Je suis poussé par le désir de sauvegarder l’office d’empereur, autocrate et basileus des Romains, répondit Mar.
Michel s’agita sur son trône, mal à l’aise. Mar avait dit « office » et non « personne ».
— Hétaïrarque, je suis ravi d’entendre que votre ancien respect pour la dignité impériale n’a pas été compromis par votre séjour dans les provinces. Toutefois, il s’est passé bien des choses qui ont modifié la valeur du diadème impérial depuis que vous et moi en avons discuté les mérites. Mon oncle le nobilissime Constantin et moi avons pris des risques considérables, et nous en avons été magnifiquement récompensés. Mais vous l’ignorez, puisque à la suite de votre malchance imméritée au cours de la campagne bulgare, vous vous êtes trouvé éloigné du centre vital de notre empire.
— Vous avez eu raison, sans doute, de prendre des risques, Majesté. Mais je crains que vous connaissiez de nouvelles déconvenues. Il me semble que le centre vital de Rome est aujourd’hui l’Hippodrome, où les Varègues, qui constituaient si récemment encore votre garde, se préparent à diriger l’assaut de la racaille du Stoudion et de ses nouveaux alliés, les artisans et les marchands. Vous n’avez plus de votre côté que les dynatoï et la Taghmata, et je doute que les hommes de la Taghmata acceptent avec enthousiasme de massacrer des femmes de Rome qui se sont soulevées contre vous avec autant de véhémence que leurs maris, leurs pères et leurs fils.
Michel parut considérer cette menace comme un point secondaire dans la négociation. Il sourit à Bianca Maria.
— J’ai établi des relations spéciales avec le Pantocrator, Hunrodarson. Il ne me permettra pas de briser le serment qui nous lie.
L’empereur inclina la tête pendant un instant.
— Quoi ? Quoi ? chuchota-t-il, puis sa voix se mit à bourdonner très bas, comme un bruissement d’insecte. Ce serait donc les trois en un, comme dans Votre Esprit au commencement, parce que dans la lumière toutes les âmes entendront la parole…
Le bourdonnement se poursuivit, puis Michel leva la tête et battit des mains trois fois.
— Il n’a pas d’objection à une trinité ! Voilà
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