Byzance
marbre.
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Mar Hunrodarson fut réveillé deux heures après le lever du soleil par son premier lieutenant Gris Knutson, qui remplaçait Thorvald Ostenson parti à Rus régler une question importante. Mar se leva et enfila sa tunique de droungarios. Bianca Maria, la vierge de douze ans avec qui Mar avait passé chastement la plupart des nuits de son exil en Italie, se retourna dans le lit et leva vers lui ses yeux sombres interrogateurs. Depuis leur départ, tout n’avait été pour elle qu’étonnement. Et dans l’après-midi de la veille, elle était montée sur le toit de cette villa proche de la Via Ignatia pour voir dans le lointain les murailles de la Grande Ville.
— Droungarios, dit Knutson en tendant à Mar un document roulé et scellé, j’ai pensé que vous deviez lire ce message tout de suite. Il porte le sceau du patriarche Alexios.
Knutson s’inclina et se retourna pour partir.
— Non, turmarque, ordonna Mar en détachant le sceau et en parcourant la lettre. Il faut que vous soyez au courant. Vous aurez bientôt d’autres responsabilités que transmettre les requêtes d’un prêtre de Rome. Très intéressant, turmarque. Le patriarche Alexios a été déposé et l’impératrice Zoé vient d’être bannie. Le patriarche est assiégé à Sainte-Sophie. Théodora, sa protégée, est en sécurité quelque part en ville. Le vieux renard ne dit pas tout. Il nous prie de le libérer et il nous conduira ensuite auprès de la nouvelle impératrice.
— Cela ne convient-il pas parfaitement à notre projet ? demanda Knutson, songeur. Si l’impératrice Zoé est bannie, Théodora reste sans rivale.
— Sauf l’empereur.
Les yeux gris du Danois clignèrent, trahissant sa confusion.
— Je croyais que l’empereur était un… Enfin, nous avons si souvent plaisanté sur ce que nous ferions d’un empereur dans les salles d’interrogatoires de la Numéra…
— Oui, turmarque, mais c’était avant que le petit Michel ne fasse preuve de cette extraordinaire capacité à nous débarrasser de nos problèmes. Dites-vous bien que sous le patronage de Théodora, nous serons toujours soumis aux contraintes de son statut de née dans la pourpre. Mais avec Michel pour patron, nous n’aurons à surmonter que l’héritage d’un parvenu. On nous saluera peut-être même comme des libérateurs le jour où nous le renverserons.
Mar écrasa le message d’Alexios dans son énorme poing.
— Turmarque, vous allez apporter un message à Sa Majesté impériale. Vous lui direz que je suis rentré d’Italie pour une mission d’une urgence extrême qui exige un secret absolu. Vous lui direz que j’arriverai au port du Bucoléon ce soir pour discuter d’affaires d’une importance vitale pour l’avenir de Rome.
Knutson quitta aussitôt la pièce. Bianca Maria s’assit ; une chemise de nuit de soie blanche drapait ses épaules osseuses et ses seins à peine pubescents.
— Est-ce que je verrai la ville ce soir ? demanda-t-elle d’une voix de cristal.
Mar caressa doucement les cheveux bruns et raides qui dissimulaient son cou.
— Oui, ma petite lumière, répondit-il à mi-voix, ce soir tu verras le grand palais de l’empereur romain.
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Constantin referma les volets de bois et porta les mains à ses oreilles.
— Même leur vacarme est un assaut ! cria-t-il à Dimitrios Métanoïtès, le jeune commandant romain de sa Garde petchenègue.
Métanoïtès rouvrit les volets pour voir de ses yeux, et l’intensité des cris augmenta. Il secoua la tête, stupéfait. Deux étages au-dessous de lui, la rue était envahie de femmes et d’enfants, tous en train de gémir comme si la trompette du Jugement Dernier venait de sonner. Leurs visages lisses et luisants, rouges de rage, formaient comme un champ de fleurs roses sur les couleurs ternes de leurs tuniques. Les manches de bois de divers outils s’élevaient au-dessus d’eux ici et là, mais les principales armes de cette armée, outre le bruit, étaient les pierres. À chaque battement de cœur, un nouveau projectile frappait la façade du palais de Constantin ; pas une seule vitre ne restait intacte, et maintenant, les ménades gémissantes, folles de rage, s’attaquaient aux murailles avec de grosses pierres.
— Il va falloir faire appel à la Taghmata, cria Métanoïtès.
— L’armée ne massacrera pas ces innocents.
— Dans ce cas, nous devons filer. Mes Petchenègues n’auront pas les mêmes scrupules en face
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