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Byzance

Byzance

Titel: Byzance Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michael Ennis
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demanda si l’on n’avait pas planté des poignards dans son cou et ses épaules. Il vit nettement la salle des interrogatoires, comme si la douleur était une lentille qui déformait ses pensées mais lui permettait de voir les objets très nets. Quatre gardes petchenègues rasés de près regardaient les deux interrogateurs préparer leurs instruments. Haraldr maudit les dieux qui l’avaient entraîné à cette mort ignoble, mais ne demanda pas leur aide. Puis il se souvint du malheureux du Stoudion qu’il avait vu dépecer dans cette pièce même, et il sentit l’âme de l’homme tout près de lui qui lui offrait son courage.
    Le plus petit des deux Petchenègues, qui avait des cicatrices brunes sur le visage et des yeux noirs très écartés, prit un brasero d’acier plein de charbons ardents et le tendit sous le visage de Haraldr. La chaleur lui brûla les narines et le front. Il essaya de s’écarter du feu et s’aperçut qu’il était suspendu par ses mains ligotées, les pieds fixés à une coudée du sol par des chaînes qui lui brûlaient les chevilles. Il posa les yeux sur les instruments qui allaient le plonger dans les ténèbres : deux fers de la largeur d’un petit doigt de femme posés sur les charbons ; les pointes rougies tiraient déjà sur le blanc. Le deuxième Petchenègue enfila de gros gants de cuir de forgeron et retourna l’un des fers dans la braise. Des étincelles volèrent au visage de Haraldr. Un coin secret de son esprit remarqua l’humour insensé de la situation : la dernière chose que voit un homme sur le point d’être aveuglé est une nuée d’étincelles. Pas l’image de cités d’or ni un dernier coucher de soleil…
    La porte s’ouvrit et les Petchenègues se retournèrent. Un cinquième garde entra avec une volaille sur une broche et une corbeille de fruits. Les deux bourreaux posèrent le brasero aux pieds de Haraldr et se jetèrent sur la nourriture avec les autres ; ils posèrent l’oiseau sur leur table et découpèrent la viande presque crue avec les instruments de leur fonction. L’un d’eux se retourna et lança une plaisanterie au sujet de Haraldr dans sa langue gutturale. Le reste continua de bâfrer bruyamment.
    * *
*
    — Ça ne suffit pas.
    Le commandant de la garnison petchenègue du Néorion était un grand Asiate très laid qui possédait probablement du sang sarrasin dans ses veines. Ses larges narines formaient un contraste grotesque avec son long nez crochu et son menton fuyant. Il montra les trois solidi d’or que le vieux prêtre avait posés sur la table.
    — Ce prisonnier est… était un homme important. Et riche. Avec de riches amis. Vous pouvez payer davantage le privilège de lui apporter des secours spirituels. Et vous êtes deux. Ce sera un double péage, si l’on peut dire, lança-t-il avec un sourire qui montra ses incisives pourries.
    Le prêtre était accompagné par une nonne vêtue de noir et voilée, une vieille à l’échine voûtée qui devait avoir une maladie de la peau ; ses yeux ridés étaient presque fermés par des croûtes. Le prêtre, qui portait l’étole d’or d’un diacre de Sainte-Sophie, vida sa bourse de ses mains frêles qui tremblaient. Trois autres solidi tombèrent sur la table. Le commandant de la garnison sourit de nouveau.
    — Très bien. Mais vous n’avez pas beaucoup de temps. Ils ont déjà commencé à travailler sur lui.
    Le prêtre et la nonne se signèrent furtivement.
    Un seul Petchenègue les conduisit dans l’escalier glacé. Les lampes à huile en forme de loup ne parvenaient pas à dissiper l’humidité et les ténèbres avec leurs misérables flammes déformées. Au dixième palier, le Petchenègue frappa à la porte d’acier, le judas de sécurité s’ouvrit, puis la porte grinça et laissa échapper l’odeur de la mort. Le prêtre et la nonne furent admis dans une antichambre donnant sur le corridor glacé. La double porte de métal noir de la salle des interrogatoires se trouvait devant eux. Cinq gardes petchenègues accroupis par terre jouaient aux osselets. Le prêtre donna à chacun plusieurs follis de cuivre. Deux d’entre eux se levèrent pour faire glisser l’énorme porte. Les deux interrogateurs étaient en train d’affûter leurs lames, qu’ils avaient émoussées pendant leur repas. Haraldr pencha la tête vers les nouveaux venus. Un prêtre. Ses yeux s’emplirent de larmes de gratitude. Le Pantocrator serait près de lui jusqu’à la fin.

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