Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
Vom Netzwerk:
dépendre des directeurs de chaîne. L’indépendance de l’information est à ce prix ! »
    Georges Pompidou intervient : « Soyons bien clairs, dit-il. Il n’est pas question de porter atteinte à la liberté de l’information. Nous essayons de construire un système gérable. Les unités d’information devront être placées sous l’autorité des directeurs de chaîne. »
    Giscard intervient à son tour : « C’est ridicule, dit-il. Dans n’importe quel journal, il y a un patron et un directeur de l’information. Cela ne pose aucun problème. »
    « Il s’agit là d’une erreur politique fondamentale, insiste Chaban. Je vous demande de me laisser présenter mon texte comme je l’entends. »
    Georges Pompidou le coupe : « Il nous faut un chef qui ait de l’autorité et qui ne soit contesté par personne, je dis bien par personne ! »
    Cette fois, me dit mon interlocuteur, la confiance est entamée.

    Après cette conversation, je me persuade qu’effectivement, cette fois, Chaban va tomber.

    8 juin
    Vu Pierre Hunt, qui me parle interminablement de la réforme de la loi sur l’ORTF : du PDG, de la décentralisation, de la nouvelle définition du monopole, du service minimum, de l’inscription dans la loi du principe de droit de réponse...
    Sur l’autonomie des directeurs de l’information, je lui demande s’il y a quelque chose de changé après le Conseil des ministres : « Il n’y a aucun changement, m’assure Pierre Hunt. C’est un nouveau système. Les directeurs de l’information sont nommés par le PDG. Ils détermineront leurs moyens avec la direction de l’Office. Autrement dit, l’information reste constituée en cellules autonomes, mais ses responsables dépendront de la direction pour leurs moyens financiers et techniques. Ils devront en outre rendre des comptes au conseil d’administration de l’Office. »
    Il est en train de plaider qu’il s’agit d’une autonomie sous contrôle. De l’inédit, à coup sûr. Que lui dire ? Qu’il me prend pour une imbécile ? Comment lui suggérer, sans trahir mon informateur, que je sais ce qui s’est passé lors du dernier Conseil des ministres ?

    18 ou 19 juin 1972. Déjeuner avec Edgar Faure
    De son élocution, de sa façon de bousculer les syllabes et de zozoter, on a tout dit depuis la IV e  République. Ce qui est fascinant chez ce petit homme intelligent aux yeux malins, c’est l’intérêt qu’il porte à tout : à la Chine, à de Gaulle, au russe qu’il est en train de réapprendre (je soupçonne qu’un ou plutôt une professeur de russe aguichante est passée dans sa vie), à l’Éducation nationale où il s’est illustré, quoi qu’on dise à droite, en 1969, au droit romain dont il est agrégé, et à la vie politique française où il connaît et égratigne tout le monde.
    J’ai suivi sa réélection dans le Doubs en 1967 : occasion d’admirer son énergie intacte pour solliciter les suffrages de paysans indifférents et de serrer des mains dans des villages de pré-montagne. Derrière sa permanente ironie, j’avais perçu un cynisme dont il ne faisait d’ailleurs pas mystère. Pourquoi avait-il voté contre de Gaulle en 1958, puis contre l’élection du président de la République au suffrage universel en 1962 ? « Par juridisme », m’avait-il répondu.
    Je suppose qu’il n’a guère d’atomes crochus avec Pompidou, mais, bizarrement, il aime bien Chirac, son énergie et sa voracité politique.Sans doute a-t-il été comme cela, jeune. Aujourd’hui, il a fondé un club, pour faire comme tout le monde, qu’il a baptisé « le Contrat social ».

    Festival de bons mots :
    « Pompidou, c’est la compétence froide ; Chaban, l’incompétence animée. »
    « Il faudrait tout de même éviter qu’un ministre ne puisse entrer au gouvernement qu’à condition de finir en prison. La stabilité a du bon, mais il ne faut pas exagérer. »
    Il défend néanmoins Dechartre, persuadé, dit-il, que le procès sera cassé et qu’il finira par gagner.
    À propos du remaniement ministériel dont nous parlons, il dit sans complexe : « Il faudrait être vraiment con pour ne pas me faire entrer au gouvernement ! »
    « Au pif, dit-il encore, à l’instinct, je changerais le gouvernement Chaban, parce qu’il est usé. Mais Pompidou ne le fera pas, c’est sûr. »

    Rendez-vous avec Jean Lecanuet le surlendemain.
    Il croit éperdument à la nécessité d’un

Weitere Kostenlose Bücher