Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
Vom Netzwerk:
mouvement centriste, tout en reconnaissant que, si cela ne marche pas, il se ralliera à la majorité en 1973. Entre le premier et le deuxième tour ? Pas forcément. Après le second ? Sûrement.
    En attendant, il maintient qu’il a pris le bon parti et que ça doit marcher.
    Il est farouchement antigaulliste : il n’a, par exemple, pas oublié le procès fait à de Gaulle en 1958 pour avoir bafoué les lois de la République, et raconte avec délectation la façon dont Maurice Schumann et les deux autres ministres MRP avaient démissionné après que le Général eut parlé de l’Europe comme d’un volapuk, en mai 1962 25 .
    Il raconte comment, ce soir-là, les deux autres ministres et lui-même, qui était alors président du groupe MRP au Sénat, avaient attendu Schumann toute la soirée. Ce qu’il faisait ? Il s’assurait qu’il lui était possible de démissionner de son poste gouvernemental tout en gardant son siège de parlementaire. Il avait en effet été nommé au gouvernement vingt-neuf jours et demi auparavant : comme, légalement, il en avait trente pour déclarer vouloir rester député, il craignait qu’à quelques heures près il n’ait plus de siège au Parlement. D’où son agitation, ce soir-là, et son extrême occupation.
    Le rêve de Lecanuet ? La grande Fédération, avec Gaston Defferre.
    Sa terreur : Mitterrand allié aux communistes.
    Sur les radicaux : prudence, prudence. Les propos outrés de Jean-Jacques Servan-Schreiber sur Billères, sa consigne recommandant de consentir à toutes les alliances « plutôt que de faire élire un dissident », lui paraissent excessifs. Mais il dit :
    « Au fond, il n’a rien fait d’autre que de dire tout haut ce qu’il me dit tout bas. Il est vrai, ajoute-t-il, que le sens de la nuance n’a jamais été son fort. »
    Il ne dit pas grand-chose d’autre.

    Et puis aussi, aujourd’hui, une heure (de 18 h 30 à 19 h 30) passée avec Chaban et quelques journalistes. Un Chaban gris, lourd, épuisé. La veille, me dit Pierre Hunt, il a perdu un ami très cher, un ami de quarante ans, et il s’apprête demain à aller à l’enterrement. Alors, l’ORTF, il s’en fout un peu, ce soir ! Il reconnaît que son attachement à la liberté de l’information ne lui vaut pas que des amis. Mais Pompidou a refusé l’autonomie de l’information, et lui, Chaban, l’a acceptée. La tristesse dans ses yeux ne vient pas seulement de la mort de son ami. Plutôt du fait qu’il se sent pris entre les feux de la droite et de la gauche.
    Il cherche ses mots avec fatigue, presque avec difficulté. Il en a par-dessus la tête. Et le charmant Pierre Hunt aussi, qui fait front à la cabale sans mot dire, avec calme et distinction. Ce type-là, je l’aime beaucoup.

    Je reviens sur le coup qui se prépare contre Chaban : il a pour origine Pierre Juillet, sans avoir encore été totalement accepté par Pompidou. Il s’agirait de changer Chaban « usé » entre le 20 juin et le 10 juillet. La coutume veut que ce soit en juillet, après la sessionparlementaire. Mais ce serait faire un mini-coup d’État contre le Parlement que de se débarrasser de Chaban aujourd’hui alors que l’Assemblée a massivement voté en mai la confiance au Premier ministre, qui la lui avait demandée.
    Donc, mieux vaudrait le changer dès le 20 juin, après le débat sur l’ORTF, et être en mesure de profiter de la session en cours pour obtenir de l’Assemblée un nouveau vote de confiance sur quelqu’un d’autre.
    Confiance à qui ? « Je pousse Messmer comme un Russe au Congo », m’a dit l’autre jour Jacques Chirac. Si ce n’est pas lui, qui ? On retombe sur les mêmes : Olivier Guichard ? Dans ce cas, Chirac ne sera plus ministre chargé des Relations avec le Parlement : Guichard sait trop bien quelle influence, bonne ou mauvaise pour le Premier ministre, il peut avoir à ce poste ! « Je comprendrais très bien qu’il me demande d’abandonner le Parlement, convient Jacques Chirac. D’abord parce que cela m’ennuie au-delà de toute expression. Ensuite parce que, sincèrement, je sais que la victoire de la majorité aux élections législatives est le seul but de Georges Pompidou : c’est donc aussi le mien. »

    Giscard pourrait-il être Premier ministre ? Je pose la question à Chirac. Il me révèle avoir eu avec lui une longue conversation, début juin. « Vous voyez, lui avait dit Chirac, si vous n’aviez pas fait un

Weitere Kostenlose Bücher