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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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commun. Celui-ci ne mérite « ni dérision, ni sarcasme », à partir du moment où il est dans la tête de 40 % des Français. L’encre du programme commun est devenue rose en séchant, mais elle était rouge lorsque les rédacteurs en ont écrit le texte. « Le véritable slogan du programme commun, c’est, conclut-il, vive 1930 ! »
    Ensuite sa façon d’« humaniser » ses arguments économiques. Redistribution sociale, droit à la sécurité, droit à la vie privée et au bonheur, protection contre les puissances économiques : toute la panoplie est mise au service d’une France qui « souhaite être gouvernée au centre ». Il redit plusieurs fois cette phrase pour l’expliquer : c’est le leitmotiv de sa conférence de presse.
    Pour lui, cela me paraît évident, il s’agit de changer de personnage politique, de faire sa mue. Jusqu’ici, il était un brillant ministre des Finances, un chef de (petit) parti, un partenaire de la majorité pompidolienne. Demain, il se veut à la tête – le fondateur, en tout cas – d’un grand mouvement centriste englobant l’UDR.

    12 octobre
    Déjeuner avec Jean Mauriac.
    De Gaulle lui disait de Malraux : « Il n’aura jamais le prix Nobel parce qu’il est gaulliste. Ce sont les Américains qui le décernent, ce prix. »
    À propos de Pompidou, il m’assure que le général de Gaulle lui a bien envoyé au printemps 1968 une lettre lui reprochant sa trahison. La lettre, me dit-il, existe aux Archives nationales, et Philippe de Gaulle en a une copie.
    Philippe de Gaulle, paraît-il, plus intelligent qu’on ne le croit généralement, drôle et caustique.
    Fin octobre et début novembre  : toute une série de rencontres avec Philippe Maistre, Roger Chinaud, Jacques Dominati, de Préaumont, Poudevigne, Yves Sabouret sur les candidatures et les trocs entre les centristes, les républicains indépendants et les UDR. Sans grand intérêt.

    16 novembre. Déjeuner chez Raymond Marcellin avec Françoise Giroud
    L’œil bleu étonnamment ironique, un vocabulaire fleuri, une allure générale IV e  République. Des appartements glacés, place Beauvau : des appartements de célibataire. Une rondeur inquiétante dans le personnage et ses propos.
    Il nous fait quelques confidences sur le scandale des « flics pourris » à Lyon. Le flic qui a été poursuivi le premier était un bon flic. Mais il est resté trop longtemps en contact avec le milieu. « Qu’est-ce qu’on ferait à sa place ? demande-t-il. On n’en sait rien. Ou plutôt je sais hélas trop bien ce que je ferais ! » Terrible, pour un ministre de l’Intérieur, non ?
    Sur le rackett : « Cela fait des années, dit-il, que je tarabuste tout le monde en disant : pensez au rackett, c’est cela, le gangstérisme moderne. Personne ne m’a cru. On aurait dû faire ce qu’on a fait pour la drogue : l’extirper par tous les moyens. »
    Sur les policiers : « Maintenant ils vont tous au bureau, 8 heures-midi, 2 heures-6 heures. Des bons flics bien costauds, capables de prendre les gens au collet, il n’y en a plus ! »
    Sur les préfets : « Les préfets n’osent plus montrer leur influence dans un département. Moi-même, si je faisais trop de bruit dans mon département, je finirais par être battu ! »
    Il nous explique en ces termes le dernier mouvement préfectoral : tout vient de Max Moulin, préfet du Rhône, dont Raymond Marcellin voulait qu’il occupe la présidence de je ne sais quel conseil d’administration, traditionnellement réservée à un inspecteur des Finances. Blocage de Valéry Giscard d’Estaing. Pompidou tranche en Conseildes ministres : Max Moulin est président. Il faut le remplacer à Lyon. Le cabinet de Marcellin propose le préfet de la région Bretagne, qui a le profil. La préfecture vacante en Bretagne ? On l’attribue à Olivier Philip, préfet de Haute-Vienne depuis cinq ans et qui, toujours selon Marcellin, « insiste beaucoup pour quitter Limoges ». La préfecture de la Haute-Vienne ? Elle échoit au préfet de Meurthe-et-Moselle. Reste Nancy : c’est Rochet, venu de la DST, qui y est désigné. « Voilà, conclut Marcellin, l’histoire d’un mouvement préfectoral. »
    Il nous a raconté cela avec une gouaille dont je ne l’aurais pas cru capable. Tout, dans ce déjeuner, est inattendu : la rondeur du personnage, qui ne passe pas pour spécialement sympathique, le personnel qui nous sert à table, notamment

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