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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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grèves et autres qui ponctuent de façon permanente la bonne gestion de l’entreprise : « Le journaliste de télévision, insiste-t-il, n’est pas tout à fait un journaliste comme les autres. Qu’on le veuille ou non, la télévision est considérée comme la voix de la France. »
    Dans la salle, certains de nos confrères de la télévision, qui pâlissent, sentent leurs jours comptés, d’autant que Pompidou explique que le fait qu’il existe en France un monopole leur donne des devoirs spécifiques.
    Il s’explique enfin longuement – trop longuement – sur l’affaire Aranda 33 , puis, plus brièvement, sur la grâce qu’il a accordée à Paul Touvier 34 . « Ma grâce, dit-il, a consisté uniquement à relever M. Touvier de son interdiction de séjour. Il est toujours frappé de mort civile. Ce qui ne veut pas dire que la grâce constitue une abolition de la faute. »
    Pour une conférence de presse, c’était une conférence de presse ! Il a pris les journalistes à rebours sur à peu près tous les points. Nous quittons l’Élysée presque soulagés de n’être plus sous son regard lourd.
    Rencontré Jean-Marcel Jeanneney la semaine dernière. Plaisir, surprise de ce vieux monsieur, jeune encore, avec des fossettes, une sorte de Michel Debré en plus affable. Il n’a pas de haine pour Pompidou, mais une sorte d’intérêt méprisant. Selon lui, ce régime a été incapable d’élaborer une « déontologie politique ».
    Sur Georges Pompidou, ses sentiments sont plus que mitigés : « L’homme, dit-il, est éminemment mystérieux. Il est sûrement capable techniquement. Voyez-vous, il me fait penser à André Tardieu. »
    Sur l’évolution de la Constitution, il juge que l’interprétation qu’en donne Pompidou est contraire à la lettre de l’article 21. Elle est en tout cas très différente de celle du général de Gaulle. Pour Pompidou, le président détermine et exécute la politique de la nation. Le Premier ministre coopère dans la mesure où il convient au président de la République. Selon lui, le danger est réel : à force de descendre trop bas dans la gestion des choses, le président risque de finir par sauter.

    3 et 4 octobre
    Discours de rentrée de Pierre Messmer à l’Assemblée nationale.
    Bras ballants, costume bleu foncé, cravate bordeaux, gestes comme décalés par rapport aux paroles, visage incroyablement immobile, le Premier ministre n’est pas un orateur. Même lorsqu’il propose l’amnistie à Nicoud, il ne parvient pas à susciter l’enthousiasme des parlementaires, alors que certains la réclament depuis des lustres. Des applaudissements mous saluent quelques vérités du genre : « Qu’on nous épargne les caricatures, l’école de la République reste le lieu privilégié de l’égalité des chances... »
    Il n’y a que lorsqu’il fait un couplet sur l’union de la gauche, lorsqu’il se pose en chef de la majorité – en militaire de la majorité, devrais-je dire –, qu’il galvanise ses troupes.

    À la sortie, échange entre François Mitterrand et Edgar Faure :
    Mitterrand  : Félicitations, vous êtes entré dans le gouvernement du SAC 35  !
    Edgar  : Mais non, mais non !
    Mitterrand  : Votre Premier ministre est un reître, on ne parle pas à un Parlement sur ce ton-là !
    Sentiment partagé par Maurice Faure, qui me dit, ironique : « Tout cela sent le centurion ! »
    Louis Vallon, toujours marginal de la majorité, qui, au nom de De Gaulle, se permet de dire son fait à chacun, éructe : « C’est un discours de con, dit par un con, écrit par un con ! Le malheur est que le con qui l’a dicté est à l’Élysée. Ce n’est même pas mauvais, ce qu’il a dit, c’est pire ! »
    Il n’y a guère qu’Alexandre Sanguinetti ou Michel Poniatowski pour se réjouir des propos martiaux du Premier ministre. De toute façon, Ponia, dans tout cela, ne pense qu’à Giscard : « Valéry doit travailler dans trois directions. Il doit conforter le centre – je m’en occupe, dit-il. Ménager le président de la République et conforter l’UDR – il s’en occupe. »

    Le lendemain, c’est Mitterrand qui répond à Pierre Messmer. Quelques formules balancées : « La nouvelle société n’est plus qu’un terrain vague », « On ne tranche pas du droit en jouant les matamores ou en frappant du poing sur la table. »

    5 octobre
    Françoise Giroud, qui a déjeuné à l’Élysée, me dit

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