Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

pragmatique que Giscard en matière de politique budgétaire. Il a la volonté d’une politique de grandes dépenses et notamment d’une forte progression des dépenses militaires et spatiales.
    Sa conclusion : Pompidou ne sacrifiera jamais l’emploi et l’expansion à l’inflation.

    1 er  décembre
    Meeting de la gauche unie : 50 à 60 000 personnes s’entassent depuis 17 h 30 dans la salle immense. Marchais est ovationné. « Je déclare solennellement, dit-il, que le PC agira demain, qu’il agira toujours avec la même loyauté ! »
    Après lui, Mitterrand s’avance à la tribune. Il paraît un peu gêné par les applaudissements trop forts. Il prononce d’une voix qui s’enroue un discours pas très bien au point. Trop intellectuel, trop « bourgeois libéral », devant cette foule populaire. Au début, il a un peu de peine à se faire comprendre. C’est qu’il a commencé par une longue litanie monocorde : « Qui êtes-vous ? d’où venez-vous ? » À la fin, en revanche, quels applaudissements sur le « Vivre autrement » par lequel il s’assure de l’enthousiasme de la foule ! Il est évident que les communistes étaient largement majoritaires dans l’assistance.

    20 décembre
    Les élections sont fixées aux 4 et 11 mars 1973. Pas en hiver, comme l’avait souhaité un moment Pompidou, mais pas non plus au cœur du printemps.

    À l’Assemblée, Messmer, mauvais, parle en butant sur les mots, ces mots qu’il a pourtant, le pauvre, visiblement appris par cœur.
    C’est François Mitterrand qui lui répond : séance houleuse. C’est la première fois que je vois Mitterrand, à la tribune, se faire huer autant par la majorité.

    21 décembre
    Robert Boulin 37 me fait un petit exposé gentil sur le bilan de la session parlementaire : bon, comme toujours, aux yeux du ministre en charge des Relations avec le Parlement. Il est plus intéressant, en revanche, sur la plate-forme de la majorité : « Jusqu’à aujourd’hui, dit-il, la majorité donnait l’impression d’être désœuvrée, sans programme, sans envie d’en avoir. Tout cela n’était qu’apparence, et nous ne dormions que d’un œil. »
    C’est Pierre Messmer qui conduira la campagne : il est Premier ministre, il est naturel qu’il le fasse. Deux textes sont en cours de préparation : l’un portera sur l’avenir ; l’autre sera le tronc commun aux trois formations de la majorité, « une plate-forme attractive, simple, aérée ». « Vous n’allez plus constater de divergences, m’assure-t-il. Nous chanterons de la même voix. »
    Dont acte.
    Sur le Programme commun, il a des positions que les autres, dans la majorité, n’ont pas. Il pense que les militants des formations de la majorité « ne mordent plus à l’anticommunisme de papa » et qu’il faut donc chercher et avancer d’autres arguments pour combattre l’alliance à gauche.
    1 - Du moins n’en a-t-il pris conscience que tardivement. Ce n’est que le 19 janvier, après l’article du Canard enchaîné , que Jacques Chaban-Delmas envoie à l’hebdomadaire satirique une réponse qu’il communique à la presse. « Ce soir-là, écrira-t-il plus tard, j’ai concouru à ma perte en donnant à l’équipe du Canard une excellente occasion de rebondir et d’exploiter de plus belle le filon » (in Mémoires pour demain , Flammarion, 1977, p. 459).
    2 - Les 20 et 21 mai 1971, Georges Pompidou et Edward Heath, Premier Ministre britannique, avaient annoncé leur accord sur l’élargissement, confirmé par un traité signé le 22 janvier 1972, qui doit être soumis à référendum.
    3 - Jean-Marie Poirier, agrégé, normalien, est élu député UDR du Val-de-Marne en 1967. Il sera porte-parole de la présidence de la République de 1980 à 1981.
    4 - Mouvement politique d’extrême gauche crée à l’initiative d’anciens militants de la Ligue communiste révolutionnaire.
    5 - Robert Galley, né le 11 janvier 1921 à Paris. Ancien combattant des Forces françaises libres, il a combattu jusqu’en 1945 dans les rangs de la 2 e  division blindée du général Leclerc, dont il est devenu le gendre. Député UDR de l’Aube depuis 1968. Ministre de L’Équipement et du Logement dans le gouvernement de Georges Pompidou du 31 mai 1968 au 10 juillet 1968. Ministre délégué auprès du Premier ministre chargé de la Recherche scientifique et des Questions atomiques et spatiales dans le gouvernement Couve de