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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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fait-il, demande-t-il, qu’un pareil programme, conduisant la France au désert économique, paraisse intéresser plus de 40 % des Français ? »
    Lui, il veut faire de la France « le pays le plus avancé du monde ».
    Le plus surprenant est son couplet, à la fin de son propos, sur le métier politique. Un tableau sinistre pour lui et pour les Français : « Rien n’est plus difficile que d’être candidat. On est tenté de tout promettre, même quand on a les mains vides. On est tenté d’affirmer ce qu’on ne croit pas. On pense faux tout raisonnement qui vous fait perdre des voix. Et on arrive à l’élection, élu ou battu, fourbu, sur la ligne d’arrivée transformée en marécage. »
    Je ne m’attendais pas du tout à l’entendre à ce point cynique, ou plutôt sans illusion.

    22 janvier
    Ça n’arrête pas. Les conférences de presse se suivent – il y en a une ou deux par semaine depuis le début de l’année – et ne se ressemblent pas. Aujourd’hui, Mitterrand, Marchais et Robert Fabre à l’hôtel Intercontinental.
    J’ai un souvenir tragique de cette salle, celle-là même où Mitterrand avait fait, en mai 1968, acte de candidature à la présidence de la République alors que la place n’était pas vacante, épisode très exploité depuis lors par tous ses ennemis.
    Mitterrand préside avec décontraction. Il se penche de temps à autre vers Marchais, lequel sourit. Contrairement au duo Lecanuet-Servan-Schreiber, ils n’ont pas le moins du monde l’air de souffrir du voisinage l’un de l’autre. Manifestement, ils s’efforcent tous les trois de rassurer les Français : Marchais parle du coût estimé du programme sur cinq ans, Mitterrand parle de produit intérieur brut, de la Sécurité sociale, du coût des nationalisations, de l’autonomie de gestion des entreprises nationalisées – Marchais l’interrompt : « Lesgroupes nationalisés, précise-t-il, doivent faire des bénéfices. Pas question qu’une entreprise nationale soit déficitaire ! »
    Là encore, c’est en fin de rencontre et devant quelques journalistes que Mitterrand se livre. Et ce qu’il dit sur le Parti communiste est plus qu’intéressant. Il pense que le développement du Parti communiste en France a tenu à des causes inhérentes aux pays catholiques, notamment à leur propension au dogmatisme. Qu’il a été la seule réponse apportée aux pays qui ne se sont pas adaptés aux deux premières révolutions industrielles. Il pense que le socialisme a été – est – une réponse au « malheur des hommes ». Là où le socialisme n’a pas pu ni su répondre, le parti qui dispose du plus grand nombre de militants, c’est-à-dire le PC, en a profité. « Nous ne pouvons pas, dit-il, le reprocher au Parti communiste, mais nous en avons tiré la leçon. »
    Et la leçon, c’est le Programme commun de gouvernement.
    Pas plus que lorsque Giscard a parlé du métier politique, Mitterrand ne travestit ce qu’il pense sur la nécessité de l’union avec les communistes.
    C’est la première fois qu’il le dit ainsi : il manquait une dimension au Parti socialiste ; la perspective de gouverner ensemble la lui a donnée.

    31 janvier
    Longue conversation avec Claude Estier sur les perspectives électorales du PS et du PC.
    Les communistes, me dit-il, sont de mauvaise humeur. Ce qui les gêne, c’est que les socialistes progressent à leur détriment et mordent sur une fraction de leurs électeurs. D’où la nécessité, pour Mitterrand et les siens, de faire profil bas et de ne pas se laisser aller à la moindre provocation.
    La réalité est que le doute que nous avions tous, et Mitterrand aussi, il y a deux mois, est levé : le Parti socialiste avance, il bénéficie de la stratégie d’union. « Si, dans les sondages, dit-il, je devance aujourd’hui le PC dans ma circonscription 3 , c’est que les communistes votent pour moi dès le premier tour. »
    Entre communistes et socialistes, dans ce 18 e , « la cordialité, me dit-il, est un peu hypocrite : on se rencontre, ça va, le climat est bon.Le contrat est loyal : les colleurs d’affiches du PC ne recouvrent pas les nôtres. On ne signale d’ailleurs aucun incident dans l’ensemble des quartiers parisiens ».
    Il me parle de l’incroyable succès, comparable à celui de 1965, des meetings de Mitterrand : à Lille, Châlons, Dijon, Lyon, il remplit les salles. Mais il s’agit de meetings socialistes, non de

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