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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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meetings communs. Ce qui accentue le malaise des communistes locaux.
    « Le PC, insiste Claude Estier non sans étonnement, ne déclenche aucune curiosité : c’est un phénomène que nous vérifions tous les soirs. »
    Difficultés, donc, entre les deux partis en ce qui concerne quelques villes et certaines circonscriptions. À Dieppe, par exemple. Dans ces cas-là, c’est sur le plan national que les choses se négocient entre émissaires du PS et du PC. Estier insiste sur le fait que les rapports au sommet entre les deux partis sont très bons, mais ce qu’il me dit d’autre part ne va pas dans le même sens.
    Par exemple, revenant sur la conférence de presse commune du 23 janvier, il m’avoue qu’elle a été « ratée ». Ce sont ses propres termes : il y avait un grave désaccord entre Marchais et Mitterrand sur le financement des entreprises.
    En réalité, les Français ne posent jamais ces questions dans le pays ; ils veulent des idées simples, du genre : on en a assez de ces gens-là. « Le programme en lui-même n’intéresse personne, affirme-t-il. D’ailleurs, le mot d’ordre est d’en parler le moins possible dans les meetings. »
    Une exception importante : le débat qui doit avoir lieu jeudi 15 février à Europe 1 entre Giscard et Mitterrand. Ce débat ne sera pas enregistré en studio, mais en public. Le texte en sera intégralement publié dans Le Figaro du lendemain. Et là, on parlera chiffres.
    Notons que François Mitterrand, à partir de maintenant, refuse d’être confronté à la radio ou à la télévision à « n’importe qui ». Il n’accepte plus que les duels avec Giscard, Messmer ou Debré. Dans le cas du 15 février, Debré est à La Réunion, Messmer a fait annoncer qu’il ne participerait à aucun débat. Voilà pourquoi le duel radiodiffusé opposera Mitterrand à Giscard.
    Quant à la campagne électorale, elle n’a jamais été aussi active pour Mitterrand. Estier me donne la liste de ses déplacements. Je compte : du 31 janvier au 11 février, il se rendra dans trente et une villes. Encore prendra-t-il une journée pour se poser dans la Nièvre, le 5 février.
    Dans l’ensemble, je juge les propos de Claude Estier un peu contradictoires : d’un côté il me dit que les choses vont du mieux possible entre communistes et socialistes, mais je sens bien, à travers ses propos, que les communistes s’inquiètent. « Sur le plan national, précise-t-il sans arrêt, tout va bien. » Mais il ajoute aussitôt : « Les communistes ne sont pas très heureux de la façon dont les choses se passent. »
    La preuve : le PC demandait la tenue d’un nouveau meeting commun de la gauche. Depuis le dernier comité central, il ne le demande plus. Sans doute parce qu’il a craint que l’union ne se fasse à son détriment et au bénéfice du Parti socialiste.

    30 janvier
    Déjeuner avec Jean Lecanuet. Il arrive au journal vraiment « déballonné » avec, sous l’œil (ô désespoir !), une balafre : il a eu un accident de voiture en se rendant à Fontainebleau chez Jean-Claude Colli.
    « Nous avons commis une erreur », commence-t-il.
    Philippe Grumbach 4 , qui en fait toujours trop, l’interrompt :
    « Mais non !
    – Mais si, continue Lecanuet, une grosse erreur ! Nous avons surestimé le reflux des voix socialistes en cas d’alliance avec les communistes. Et moi, en plus, à titre personnel, j’ai commis l’erreur de donner trop l’impression que j’allais me rallier à la majorité 5 . Alors personne ne voit plus la nécessité de voter pour les réformateurs.
    – Vous croyez aux sondages ? interroge Philippe Grumbach qui n’y croit pas quand ils sont mauvais pour Jean-Jacques Servan-Schreiber.
    – Oh oui, tout à fait, répond Lecanuet. Ils ne m’ont jamais trompé. »
    Drôle de personnage, décidément. Beaucoup plus attachant que ne le laisse prévoir son physique trop parfait. Vraiment sympathique, drôle, intelligent, sincère. Je me demande comment il peut être à lafois aussi convaincu de la nécessité d’un centre fort entre la gauche et la droite, et aussi sceptique sur ses chances de réussite.

    31 janvier
    Je raconte à Maurice Faure, pour le faire réagir, les deux heures passées avec Lecanuet.
    « Hé oui, me dit-il, il croyait que le reflux socialiste serait considérable. Moi, je l’ai cru en 1967 ! Depuis, je n’ai plus recommencé. »

    5 février
    La réunion est baptisée « Journée

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