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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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de la majorité ». Derrière la tribune, une grande photo d’un Georges Pompidou inquiet. Qui a choisi cette photo ? Pas un politique, à coup sûr : Pompidou arbore rarement ce visage angoissé. Ou plutôt anxieux. Choix bizarre.
    À retenir le discours de Valéry Giscard d’Estaing, salué par d’énormes applaudissements, sur l’illusion et l’espoir :
    « L’illusion, c’est la commodité du rêve refusant la réalité. Nous demandons aux Français de choisir l’espoir ! »
    « Nous savons bien, poursuit-il, que la France est tenaillée par sa vieille préférence pour l’illusion. Il s’agit d’accomplir ensemble le geste adulte qui consiste à proposer ce qui peut être accompli. »
    Il me semble que, parmi ceux qui félicitent chaleureusement Giscard à la tribune, les applaudissements d’Alain Peyrefitte sont un peu contraints.
    Puis Messmer monte à la tribune. Discours classique de rassemblement. Et la désignation sans nuances de trois ennemis : le Front populaire de 1936, qui a amené la France de Blum à Pétain ; le Front républicain de 1955-56 autour de Mendès France ; et le régime des partis.
    Ce qui est piquant, c’est que, dans son premier discours, dont quelques exemplaires ont été remis à la presse, le Premier ministre parlait du régime d’Assemblée, et qu’il a corrigé le texte pour parler, en gaulliste orthodoxe, de « régime des partis », dont il démontre que, du diable sait comment, il est responsable de l’inflation !

    19 février
    Si le président de la République n’a pas présenté lui-même ses vœux au personnel de l’Élysée – c’est Jean-Louis Guillaud qui me le révèle –, il ne s’agissait pas du tout, comme on l’a cru, de raisons de santé. Simplement, depuis une semaine, rien n’allait plus pour lui : il avait pris un train pour aller à Cajarc, même le chauffage ne marchait pas. Les hebdomadaires étaient arrivés à Cajarc avec vingt-quatre heures de retard, ce qu’il a en horreur. Pompidou est un patron exigeant : il s’est fâché contre tous ces employés qui travaillaient aussi mal, et n’est pas allé leur présenter ses vœux.
    Inouï ! Autour de lui, on met cet accès de mauvaise humeur sur le compte de son état de santé. La vérité est parfois dissimulée sous une autre vérité. Un train peut en cacher un autre...
    Je reviens sur le débat Giscard-Mitterrand sur l’antenne d’Europe 1, le 15. Autant l’un, Mitterrand, n’est pas crédible sur le terrain économique, autant l’autre ne l’est pas sur le terrain social, ni même politique. Je souffrais d’entendre Mitterrand aligner des phrases, sans y croire, sur les deux ressorts de l’expansion, dont aucun, assurait-il, ne serait cassé par les nationalisations, ou sur le commerce extérieur ! Lorsque le débat en est venu à la politique sociale, j’ai trouvé fascinant d’écouter Giscard expliquer ce qu’il faudrait faire, accorder, entreprendre, comme s’il n’appartenait pas au gouvernement.

    20 février
    Déjeuner avec Jacques Dominati. Il me parle longuement des élections à Paris. Mais ce n’est pas cela qui est le plus intéressant. Il me raconte l’histoire de sa vie – politique, s’entend – en cinq grands épisodes :
    Épisode n o  1 . Nous sommes avant 1968. Dominati veut être candidat à Boulogne (aux municipales ou aux législatives, je ne me rappelle plus). Georges Pompidou a prévenu Giscard que ce serait Gorce. Giscard dit à Dominati : « Mon vieux, débrouille-toi, de Gaulle a barré ton nom. »
    Pompidou reçoit Dominati :
    « Votre nom, lui dit-il, ne me dit rien.
    – C’est que vous connaissez mal l’histoire du gaullisme. J’étaissecrétaire général des jeunes du RPF. Tous ceux que vous connaissez et dont vous avez fait des ministres étaient mes adjoints. »
    Colère de Pompidou, qui le prend très mal : « Vous ne serez pas candidat », tranche-t-il.
    Dominati s’incline, évidemment.
    Épisode n o  2 . 1968 : Dominati a une peur panique de l’insurrection. Peur des communistes, surtout. Le sort de Giscard, du coup, lui est devenu presque indifférent. Lorsque celui-ci envisage de déposer une motion de censure, Dominati s’élève contre sa décision. Giscard le prend très mal et les deux hommes se fâchent.
    Épisode n o  3 . Dominati travaille avec Pierre Juillet à La-Tour-Maubourg, endroit où l’ex-Premier ministre a installé ses bureaux après avoir quitté

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