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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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l’Élysée. Derrière le bon sens, il y a du Guizot chez cet homme-là. Une incroyable courtoisie, mâtinée d’une indifférence polie.
    L’Europe ? Il fait la moue : « Le moyen de passionner les Français avec ça... »
    Il s’interroge sur les vœux, les aspirations des Français. Et il tranche au bout de quelques instants : « Ce n’est pas au gouvernement de trouver comment rendre un peuple heureux. »
    À l’entendre, Pompidou a trois priorités :
    • la coopération, pour donner un idéal aux jeunes ;
    • les vieux ;
    • la défense nationale.
    La défense ? Je rêve !
    Il juge inutile la participation, pourtant grand dessein social du général de Gaulle. « Je voudrais bien, dit-il, voir l’ombre d’un désir de participation chez nos interlocuteurs sociaux. Mais je n’en vois pas. Quelle importance voulez-vous que trois mille ouvriers accordent à l’idée qu’ils auront un ou deux représentants de plus dans un conseil d’administration ou un comité d’entreprise ? Oui, assure-t-il, on pourrait à la rigueur, à un niveau plus bas, demander à un chefd’atelier de faire participer ses équipes à une décision. C’est bien tout. »
    Je suis stupéfaite par tant de mépris et tant de certitude.
    Son bureau, à l’Élysée, est tendu de vert. Les fauteuils sont recouverts d’un cuir brun très chic.

    François Mitterrand est à Europe 1. Il assure qu’il n’y a pas de brèche entre le PS et le PC, qu’ils sont au contraire « au coude à coude » pour la défense du Programme commun. On lui demande si, à l’occasion de son congrès de Grenoble, le PS va s’ouvrir à droite ? Il réaffirme sa stratégie d’union de la gauche. Mais ajoute : « Si j’avais à choisir entre l’union de la gauche et la liberté, je choisirais la liberté. »

    1 er  juin
    Un choc pour les Français : l’image de Georges Pompidou descendant de son avion à Reykjavik, où il est allé rencontrer Richard Nixon, restera gravée dans le souvenir des téléspectateurs. Les journalistes le voient débarquer le visage boursouflé, un chapeau vissé sur la tête, enveloppé d’un lourd manteau sombre, les yeux brillants de fièvre et marchant lourdement. Ils n’en doutent plus : le président est malade.
    Il est désormais impossible, quelles que soient les réticences à en parler, de ne pas se poser le problème de la succession.

    5 juin
    Inquiétude sur la santé du président, accrue par le communiqué tombé aujourd’hui de l’Élysée : le président ne participera pas aux deux garden-parties organisées chaque année par les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat. Il annonce également qu’il réduira toutes ses activités de représentation.
    Le problème est que nous ne savons qu’en conclure. Malade ? Sûrement, mais de quoi ? Au point de ne pas pouvoir assister, ne serait-ce que deux minutes, à une réception au Sénat ou sur la pelouse de l’hôtel de Lassay ? Au point de démissionner l’année prochaine au bout de cinq ans de mandat, ce qui expliquerait son attachement au quinquennat ?
    Autour de lui, chacun – Marchetti, Lecat, Chirac – nous affirme le contraire.

    Les 22-23-24 juin
    Congrès socialiste à Grenoble. Je fais ce récit pendant que le congrès se déroule. C’est-à-dire que j’écris dans la journée pendant que les orateurs se succèdent, puis le soir à l’hôtel.
    Hier, dans la salle de la cantine, Georges Dayan, qui n’a pas fini de s’en émerveiller, raconte Mitterrand : « Il en a marre de la vie politique, me dit-il. Je sens que cela “tire”, maintenant. Il est de mauvaise humeur. L’autre jour, il me disait : “Dans cette putain de vie politique, j’ai un plaisir : Didier Motchane 15 . Je n’ai jamais vu quelqu’un de plus intelligent, de plus rapide, de plus fou. Lorsqu’il passe une heure avec moi, c’est une heure délicieuse.” »
    Il me raconte l’entrevue qui a eu lieu entre FO et le Parti socialiste il y a trois jours. François Mitterrand arrive en retard, mais assez souriant : « Je suis venu, s’excuse-t-il auprès d’André Bergeron 16 , pour vous dire que je ne pouvais pas rester. J’ai posé une question à Michel Jobert à l’Assemblée nationale et il va me répondre dans quelques minutes. Il faut que je retourne au Palais-Bourbon. »
    Très aimable, il sourit, plaisante. Jusqu’au moment où un représentant inconnu de FO l’agrafe : « Ça irait mieux

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