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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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pas que nous n’irons pas vers lui. » Vraiment, il n’a pas son pareil, ce Guy Mollet ! Un accroc de plus à l’union de la gauche...

    10 avril
    Toujours avec Paul-Marie de la Gorce, nous parlons des relations entre Pompidou et Messmer. Le Premier ministre voit souvent le président, ce qui limite le rôle des entourages : par « entourage », il entend Marie-France Garaud et Pierre Juillet.
    C’est Messmer lui-même qui a préparé son discours devant le comité central de l’UDR, au Grand Hôtel. Il y a repris ce qui lui tient à cœur : ou bien la majorité tient compte des 77 % de Français salariés en France, ou bien elle se cassera la gueule. Il s’est appuyé, pour le démontrer, sur les résultats obtenus dans les environs de Paris et dans le Nord.
    Il me parle ensuite du discours de politique générale à l’Assemblée. Messmer en avait déjà donné les grandes lignes à Provins : un voletsalarial, un volet fiscal, sécurité sociale et politique de la famille. « Tout cela, me dit Paul-Marie de la Gorce, implique par rapport à la ligne antérieure l’arrêt de la politique de détente fiscale chère à Valéry Giscard d’Estaing. »
    Messmer a travaillé à son discours samedi dernier en revenant de Lorraine, à partir des notes des membres de son cabinet (Jacques Friedmann, Yves Sabouret, Paul-Marie de la Gorce) revues par le préfet Pierre Doueil. Le texte en a été transmis à Pompidou le lundi matin avant la séance.
    « Le discours lui-même était mal écrit et mal dit. Mais il était bon. Il est clair, ajoute Paul-Marie de la Gorce, que la batterie de projets du gouvernement concerne entièrement les salariés. Le blocage des hauts salaires du secteur public, par exemple, jamais Pompidou ne l’aurait imaginé. C’est typiquement du Messmer ! »
    Deux mots à propos de Paul-Marie de la Gorce et de Pierre Messmer. Le premier appelle toujours le second « monsieur Messmer », comme Jacques Chirac parlait de « monsieur Pompidou » avec respect et admiration. Je m’en étonne devant lui, car l’image que me donne pour l’instant Pierre Messmer est loin de m’inspirer de tels sentiments. Je le trouve plutôt pompeux et militaire. « Rien n’est plus faux, m’assure la Gorce. C’est un type formidable, avec une vraie fibre sociale, honnête, travailleur et courageux. »
    Courageux ? Avec qui ? Je comprends qu’il arrive au Premier ministre de tenir tête au président de la République, mais sa discrétion – autre atout, selon Paul-Marie de la Gorce – fait que cela ne se remarque pas et que les gazetiers ne s’en émeuvent pas.

    Jacques Friedmann, que je vois après lui, me confirme que Pierre Messmer est profondément choqué par les inégalités sociales, qu’il est favorable à l’expansion, certes, mais pour qui ? À qui profite-t-elle ? Il risque une analyse : « À partir du moment où le Parti socialiste et le Parti communiste sont unis, on peut faire ce qu’on veut aux nantis, ils voteront néanmoins pour le pouvoir actuel. Il faut donc que le gouvernement gagne des suffrages sur sa gauche, et c’est possible. »

    3 mai
    Georges Pompidou a dit aux amis CDP 14 de Jacques Duhamel (c’est un des participants qui me le raconte) : « Les centristes doivent être l’appel, l’attrait ou l’appât. »

    Denis Baudouin, que je rencontre à l’Élysée, me parle des résultats du sommet de Bruxelles, où les pays européens se sont réunis sur la crise monétaire. Il est évident que le calendrier de l’union économique et monétaire ne sera pas tenu, puisque la livre flotte. Les grandes manœuvres ont commencé : une rencontre avec Heath est prévue les 21 et 22 mai, tandis que le sommet franco-allemand aura lieu les 21 et 22 juin. Avec les Anglais la rencontre est informelle, sans ordre du jour : « On fera le bilan de ce qui a été tenu de part et d’autre depuis juin 1972. » Et « on parlera aussi de politique agricole commune ». Georges Pompidou tient à redéfinir ce qui peut être acceptable pour la France. Tout cela, huit jours avant le sommet de Reykjavik, en Islande.
    C’est ainsi que Baudouin me résume la pensée actuelle de Pompidou sur l’Europe : « Il y a eu des périodes de visionnaires ; aujourd’hui, c’est l’Europe de la nécessité. On ne l’arrêtera plus. »

    8 mai
    Déjeuner avec Valéry Giscard d’Estaing aux Finances. Beaucoup moins intimidant cette fois que précédemment.

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