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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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entre nous, dit-il à Mitterrand, si vos journaux ne publiaient pas n’importe quoi. » Il sort d’un vieux portefeuille une coupure de L’Unité 17 reproduisant une lettre d’un lecteur écrivant qu’André Bergeron avait fait, à une question précise, une réponse de Normand.
    Mitterrand met ses lunettes :
    « Non, je ne vois pas... dit-il en parcourant la lettre.
    – Si, dit le syndicaliste, normand, c’est dégueulasse, tu vois bien ! »
    Mitterrand, qui déteste qu’on le tutoie, a un haut-le cœur. Il prend la mouche :
    « D’abord, je n’admets pas qu’on me parle sur ce ton. Et puis, L’Unité est un journal libre, il passe les lettres de lecteurs qu’il veut... »
    Bergeron, gêné, fait sauter un bouchon de champagne. L’affaire est classée.
    Dans la voiture qui les ramène tous deux à l’Assemblée, Dayan dit à Mitterrand :
    « Tout de même, tu as été bien sévère !
    – Comment, s’exclame Mitterrand, avec cet abruti, il aurait fallu que je me taise ? »

    Autre anecdote en marge du congrès de Grenoble à propos de celui d’Épinay en 1971.
    « C’était bel et bien un complot, raconte Dayan. Le samedi soir, après la première journée de congrès, nous avions rendez-vous vers 22 heures à Montmorency. Jean-Pierre Chevènement nous avait dit qu’il nous rejoindrait plus tard avec les gens du Ceres. Nous étions, Mitterrand et moi, avec Pierre Mauroy, Gaston Defferre et son lieutenant Émile Loo – dit, à Marseille, “Milou”. Vers 23 heures arrivent Chevènement et Motchane. Milou pousse du coude Dayan :
    “C’est lui, Motchane ?
    – Oui, confirme Dayan.
    – Putain, dit Milou, il nous en a tellement fait voir, à nous, les defferristes, que, lorsque je le vois, j’ai envie de lui casser l’autre jambe 18  !” »

    Revenons au congrès de Grenoble. Samedi matin, 23 juin : il se confirme que jamais les luttes de tendances au sein du PS n’ont été aussi vives. Nombre de leaders – qui animent eux-mêmes des clans à l’intérieur du PS – mettent en cause le Ceres et le « manque de démocratie » de celui-ci. Alain Savary constate à la tribune – sous l’œil froid de François Mitterrand, visage immobile, marmoréen – que « l’esprit de tendance a atteint dans ce parti un degré d’intensité tel que la tendance est devenue une fin en elle-même. La préparation de ce congrès a été dominée par les jeux de tendances, les calculs des tendances, les ambitions des tendances ! »
    Jean-Pierre Chevènement, qui sait bien qu’il est visé derrière ces accusations, rétorque presque aussitôt à la tribune qu’il n’est pas anti-unitaire, mais qu’il pose, au nom du Ceres, des problèmes idéologiques d’importance, même si ceux-ci divisent le parti : « Nous nesommes pas là pour nous renforcer ni pour nous faire élire. C’est la puissance des idées qui compte ! »
    N’empêche que Gaston Defferre, qui lui succède à la tribune, dit clairement qu’il faut éviter que le Ceres devienne un parti dans le parti.
    Tout vient de ce que Georges Sarre, membre éminent du Ceres, est, depuis Épinay, secrétaire à l’organisation du PS, et qu’il a une certaine tendance, disent ses adversaires, à promouvoir ses amis et à barrer ceux qui n’appartiennent pas à son courant. Il s’en défend évidemment, et Chevènement aussi. Mais ça ne suffit pas à calmer les autres.
    D’où mon impression qu’on parle moins, à ce congrès, du Parti communiste et des problèmes de l’union, que des dissensions internes au PS.
    François Mitterrand enfonce le clou : il revendique la liberté complète de constituer le secrétariat du PS comme il l’entend, de façon homogène. (Il a dit à Dayan, juste avant de prendre la parole : « Le secrétariat, c’est mon gouvernement, je le constitue comme je veux. On me fait confiance, ou pas. ») « Moi, je pense que le PS, sous la poussée de ses fractions les plus vivantes, mais les plus dangereuses, est en train de prendre tous les défauts du PSU au moment même où celui-ci est en train de les perdre ! »
    La salle commence à comprendre que Mitterrand ne veut pas accepter que le Ceres, dont il craint l’« intolérance », décrète qui est un bon socialiste et qui ne l’est pas.
    Lorsqu’il déclare : « Si je ne me refuse à aucune synthèse, j’accepte les ruptures. Il ne faut pas de fractionnisme. Il faut une direction unique, il faut que la

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