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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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celle d’« un pouvoir législatif renforcé et en quelque sorte réhabilité ». Il appelle la France à « réussir son pari et à donner le modèle d’une démocratie digne de son nom et maîtresse du temps ». Il rend immédiatement public le calendrier des travaux du Parlement et annonce pour le lendemain l’élection des six vice-présidents, des trois questeurs, des douze secrétaires de l’Assemblée, et, pour le jeudi de 5 à 10 heures du matin, la réunion des six commissions pour l’élection de leurs bureaux.
    On me raconte dans les couloirs la réunion du groupe UDR, le lundi 2 au matin, avant le scrutin. Cela commence par un discours très emberlificoté de Roger Frey, qui finit par passer la parole à Alain Peyrefitte, lequel n’y va pas par quatre chemins : « Ne votez pas contre Edgar Faure, dit-il à ceux des gaullistes qui avaient envie de voter Chaban et ne comprennent pas son retrait. Vous allez faire une formidable bêtise. » La bêtise serait évidemment de s’aliéner le président de la République.
    Peyrefitte a-t-il convaincu, ou bien est-ce pour une autre raison ? En tout cas, contre toute attente, le groupe UDR se prononce en majorité pour Edgar Faure. « Le groupe gaulliste, me dit Paul Granet, proche d’Edgar Faure, a fait collectivement comme Gribouille : il s’est jeté à l’eau, c’est-à-dire qu’il s’est donné à Edgar pour ne pas se mouiller. En fait, pour ne pas qu’on le lui impose d’une manière ou d’une autre. »
    Quand Edgar, une fois accepté par le groupe UDR, s’est présenté à lui, il a fait, paraît-il, un petit couplet sur le gaullisme et lui. Du genre : dans telles et telles circonstances, le général de Gaulle m’a trouvé à ses côtés. Dans la série : « Et Untel peut vous le dire », il entreprend de nommer les cinq anciens Premiers ministres de la V e  République : « Michel Debré, Georges Pompidou, Maurice Couve de Murville et... »
    Là, il cherche les noms qui lui manquent. Il a visiblement un soudain trou de mémoire. Quelques centièmes de seconde, et il trouve un seul des deux noms. Il achève sa phrase : « ... et Pierre Messmer. »
    À sa place, Chaban blêmit. Pourtant, la salle tout entière a soufflé : « Chaban, Chaban... »
    Lorsque Edgar comprend enfin le nom qu’il a oublié de citer, il essaie d’arranger les choses : « J’oubliais... tout à l’heure... Chaban-Delmas... »
    C’est encore pire.
    Chaban, grand seigneur, fait mine de ne pas râler.

    Dans la salle des Pas-Perdus, Jean-Jacques Servan-Schreiber me raconte (sans que je croie tout à fait ce qu’il me dit, mais on ne sait jamais) que cinq postes ont été offerts aux réformateurs dans le gouvernement : un pour Lecanuet, un pour J-J S-S, et trois secrétaires d’État. Ce n’est pas ce que me rapporte Lecanuet, qui traverse la salle des Pas-Perdus dès que Servan-Schreiber a disparu.
    Tous les journalistes présents retrouvent Edgar Faure quelques minutes plus tard. On lui demande s’il va prendre beaucoup de députés battus à son cabinet, comme on lui en prête l’intention. Il répond : « Si je prends un ancien, ce ne sera pas pour le consoler, mais pour la qualité de son travail. »
    En dehors du vote pour le perchoir, nous n’accordons que peu d’importance au message de Georges Pompidou à la nouvelle Assemblée : le président annonce son intention de ramener le mandat présidentiel à cinq ans 12 .

    5 avril
    Paul-Marie de la Gorce, resté chez Messmer, insiste, lui, plus sérieusement, sur ce projet de réforme constitutionnelle portant sur la durée du mandat du président de la République. Il est farouchement contre : « Il est symbolique que le président ait désormais le même mandat qu’un député. La durée de sept ans n’avait aucune valeur en soi, sauf que ce n’était pas la même durée que le mandat parlementaire. Le pays n’a pas voté contre les institutions, pourquoi porter dès lors ce coup de pioche à l’édifice institutionnel ? »
    Il continue, vraiment bouleversé : « Il est effroyable de marchander à ce point les institutions. Je me foutrais complètement du départ de Michel Debré et de l’arrivée de Poniatowski, mais l’affaire institutionnelle me gêne beaucoup. Les institutions ne sont pas à vendre en pièces détachées ! »

    Déjeuner Guy Mollet-Bérard Quélin 13  : « Oui, aurait dit Mollet, si Pompidou évolue de cette façon, je ne dis

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