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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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allez-vous ?
    – Très bien, merci, et vous ?
    – Comment va la place d’Italie ? » nous interroge Zhou Enlai, rappelant par là à Pompidou qu’il connaît la France et y a résidé dans les années 20.
    Juste avant, dans la matinée, nous avons visité en meute, derrière Pompidou, la Cité interdite. Dans les allées de la Cité, des enfants vêtus de jaune et de rouge s’amusent inlassablement avec des jouets mécaniques : canards, hélicoptères, avions et bateaux, dont la vente est interdite en temps normal aux enfants chinois, et qui viennent manifestement de leur être offerts. Au passage du président français, les groupes qui l’attendent depuis des heures s’ordonnent comme dans un ballet : petites filles roses juchées sur un mur, nourrissons colorés dans les bras des grand-mères, garçonnets batailleurs en uniforme kaki de l’Armée de Libération. Les ovations elles-mêmes sont discrètement préparées.
     Le Pompidou que nous voyons ce matin est un Pompidou épuisé, rouge, défiguré, qui en a marre d’être l’objet d’une inlassable curiosité de la part des journalistes. À un moment donné, je me place devant lui, à quelques mètres, au bas d’un des dix mille escaliers de la Cité interdite, pour le regarder descendre. Il m’aperçoit depuis le haut des marches. Surprend mon regard attentif. Et soupire, exaspéré.
    Ce doit être un calvaire, pour lui, que de se savoir sans cesse épié, de lire l’interrogation dans les yeux des journalistes qui le dévisagent : est-il malade, et de quoi ? Il reste que, lorsqu’il soupire, je me sens minable. Je ne suis pas fière de moi, même si je fais mon métier.
    Avec Zhou Enlai, Pompidou a eu une entrevue pas très intime : il y a là plein de ministres et de conseillers du côté chinois (dont Ki Ping-fei, le ministre chinois des Affaires étrangères, et l’ambassadeur de Chine en France) et, du côté français, Jean de Lipkowski, secrétaire d’État aux Affaires étrangères, en l’absence de Michel Jobert, qui doit rejoindre le président plus tard, Édouard Balladur, secrétaire général de l’Élysée, Étienne Manac’h, ambassadeur de France en Chine, et Geoffroy de Courcel.
    Pompidou expose les grandes lignes de la politique extérieure de la France, la construction de l’Europe, les relations de bonne intelligence avec toutes les nations.
    Vers 17 heures, sur un double signal, Pompidou et « Lip 21  » s’en vont chez Mao, où ils sont reçus tous les deux. Échange de vues dedeux heures où, nous dit-on solennellement, les deux hommes ont parlé des « différents problèmes d’actualité et de l’évolution du monde ».
    À noter pour la petite histoire ce que me rapporte Lipkowski, qui a assisté aux entretiens avec Mao. Il était en poste à Pékin en 1949. Il y a été fait prisonnier pendant deux ans et demi par les communistes chinois. Il se retrouve aujourd’hui devant le Grand Timonier. « Sacrée revanche ! » me dit-il.
    Le communiqué chinois est plus loquace que ce que nous dit Marchetti. À la résidence de Mao, Pompidou aurait déclaré à Mao : « Je suis fier de rencontrer l’homme qui a changé la face du monde. » Il a fait part du désir qui avait été celui du général de Gaulle de rencontrer Mao de son vivant. Et, plus tard dans l’entretien, Mao a rappelé que, il y avait dix ans, la France avait été le premier de tous les pays ouest-européens à rétablir des relations avec la Chine populaire.
    Arrivé par la porte sud de la résidence de Mao, proche de l’ancienne Cité interdite, Pompidou est sorti par la porte ouest. La foule était très importante pour saluer le président français.

    Mercredi soir, ballet de l’Opéra de Pékin : « Le détachement féminin de l’Armée rouge ». Aux côtés de Zhou Enlai, M me  Mao Zedong, vêtue d’une robe grise tombant à mi-mollets, avec un soupçon de permanente dans les cheveux et des souliers à talons hauts. C’est la deuxième apparition d’une M me  Mao « à l’occidentale » dans une réception officielle depuis le X e  Congrès du PCC.

    Jeudi , visite du Temple céleste.
    Stupeur : je suis avec Jean Ferniot, qui connaît Étienne Manac’h, l’ambassadeur français en Chine, lorsque celui-ci vient bavarder avec nous ; nous lui demandons si Mao va recevoir Pompidou une seconde fois. « Ce serait très exceptionnel, répond Manac’h ; vous savez, il a peu de moments de lucidité ! »

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