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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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dans l’édifice de la V e  République. Ce qui ne l’empêche pas de dire à peu près dans la même phrase que « c’est un problème de conception de la démocratie » qui, selon lui, est en cause dans la réforme.
    C’est Guy Mollet qui, sur la Constitution, répond à Messmer en rappelant qu’il a fait partie du collège des rédacteurs de la Constitution de la V e  République. Ce qu’il condamne, lui – et il le fait implacablement –, c’est la marche au système présidentiel que renforce la décision de faire passer de sept à cinq ans la durée du mandat présidentiel. Il plaide que c’est une Constitution de type parlementaire qu’ont voulu faire les constitutionnalistes de 1958. Depuis cette date, il y a eu des étapes qu’il dénonce : l’évocation d’un « secteur réservé » au président de la République, puis surtout l’élection du président dela République au suffrage universel. Et, aujourd’hui, il y a l’usage qu’en fait Georges Pompidou, et sa volonté de quinquennat.
    Guy Mollet termine dans l’imprécation : « Vous voulez changer la Constitution, dit-il avec force, mais alors faites un projet d’ensemble, et qu’il soit soumis au Parlement et au pays par des voies normales ! »
    Encore une phrase, qui lui a attiré les faveurs des gaullistes favorables au septennat : « Ceux qui, aujourd’hui, ici, approuveraient la modification constitutionnelle, perdraient tout titre à dire encore la loi ! »

    Après avoir écouté Mollet et tandis que le débat se poursuit, Mitterrand et Maurice Faure s’installent à la buvette. Ils parlent de la loi Royer sur le petit commerce.
    « Pas même le plus minable des gouvernements de la IV e  République, dit Mitterrand, n’aurait osé signer la loi Royer. Pas même Bourgès-Maunoury 29 , qui était le roi des cloches ! »
    Maurice Faure reste calme :
    « Remarquez, on peut se permettre de ne pas voter la loi : de toute façon, les commerçants ne votent pas pour nous ! »
    Et puisque Mitterrand a parlé de Bourgès, il raconte que, au moment de prononcer son discours d’investiture, celui-ci avait demandé à ses ministres, placés devant lui sur les bancs du gouvernement, de le mettre en garde : s’il parlait trop vite, il fallait que les ministres touchent leur cravate ; s’il était trop long, ils devaient tirer leur pochette.
    À cette évocation, Mitterrand se tord littéralement de rire.
    Sur l’intervention de Guy Mollet, il a un point de vue particulier : « Il ne se rend pas compte qu’il nous gêne ! Il gêne l’UDR avec ses perpétuels numéros : “J’étais avec de Gaulle en 1958.” Et il nous gêne avec cela, nous aussi ! »
    Maurice Faure raconte que Bernard Pons, député gaulliste du Lot, son voisin de circonscription, dit dans son département qu’il va faire partie du prochain gouvernement, et que ce sera avec Guichard.
    « Vous croyez que Messmer est terminé ? interroge Mitterrand. Alors, qui Pompidou choisira-t-il ? Michel Jobert, c’est sûrement l’homme de son cœur. Mais Olivier Guichard n’est pas mal du tout. Il parle peu, mais il a une force politique, une force tout court. Évidemment, les Français le trouveront un peu lent, mais ce serait un bon Premier ministre. »

    De retour en séance, j’écoute Couve de Murville parler de quinquennat. Il est plus Couve que jamais, si j’ose dire, d’une élégance presque surannée, longiligne et courtois. Mais, sur les principes, il reste inflexible : il ne s’agit pas, selon lui, d’une réforme mineure. Mettre un terme à l’impuissance de l’exécutif, donner au régime sa stabilité, tels étaient les objectifs de la Constitution de 1958. Pour assurer tout cela, explique-t-il, « un mandat présidentiel d’une durée supérieure à celle de tous les autres s’impose ». Il votera contre, ce qui est pour lui, affirme-t-il, « une décision difficile et douloureuse ».
    Je me dis que les affres de ces gaullistes sont bien singulières. Couve est bourrelé de remords parce qu’il ne donne pas sa voix à Pompidou : c’est que la fidélité au président de la République, quel qu’il soit, lui paraît faire partie, au titre du gaullisme également, de ses obligations morales. Comme Michel Debré, il est pris entre deux aspects du dogme : le respect du principe gaulliste de la suprématie du président de la République et le respect dû à la personne du président, en l’occurrence de

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