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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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élections anticipées ne sont jamais inconcevables. D’ailleurs, nous ne sommes pas les seuls à le croire. » Il n’en dit pas plus sur le sujet. En revanche, il parle de la « situation d’échec » qui est celle du gouvernement actuel : Pompidou n’aura pas les 3/5 des voix des députés et des sénateurs, il n’osera pas faire un référendum, et l’ORTF est dans une situation catastrophique.
    En ce qui concerne le PC, il me fait obligeamment part de sa bonne santé. Le parti compte 5 523 cellules d’entreprise au début d’octobre. Depuis 1961, c’est-à-dire depuis son XVI e  Congrès à Saint-Denis, la progression est lente mais régulière : de 3 819 cellules en 1961, on a progressé jusqu’à ce chiffre.
    « Pourquoi si lentement ? lui dis-je sans malice.
    – Comment ça, si lentement ? répond-il avec vivacité. L’exercice de l’activité des cellules d’entreprise est difficile ! »
    Et puis, tout est difficile ! Il se lance dans une vaste fresque un peu déprimante sur la classe ouvrière, dont je retiens qu’il y a en France près de 10 millions d’ouvriers et qu’ils ne sont pas tous communistes. Il est lucide : « Le PC est loin d’avoir gagné la classe ouvrière. On y vote gaulliste ou socialiste. En Alsace, si tous les ouvriers de Mulhouse votaient communiste, ça se saurait ! »
    Quant aux socialistes, « l’union, ça va ; mais, sur Israël, c’est difficile ».

    31 octobre
    Claude Estier me dit que Mitterrand est persuadé qu’à partir de maintenant les choses vont prendre une tout autre tournure, car la situation économique se dégrade ; la hausse des prix, la vignette, la taxe RTF, l’essence... Il pense que le durcissement des consommateurs va entraîner un durcissement du gouvernement, qui va être obligé de prendre des mesures impopulaires pour lutter contre la crise consécutive à la guerre du Kippour. Cela n’amène à rien de précis pour ce qui est des échéances électorales, mais cela n’arrange rien au climat politique.
    D’autant qu’à cela s’est ajouté le projet de révision constitutionnelle, grave sur le plan psychologique. Pour la première fois, les Français n’ont compris ni le projet, ni l’intervention de Pompidou. Les députés gaullistes se sont sentis perdus, tandis que prévaut le sentiment qu’il n’y a plus de ligne. C’est la confiance aveugle dans le chef de l’État qui a été ébréchée.
    Quant aux rapports avec le PC, ils sont devenus plus difficiles depuis que les législatives ont montré que le PS peut réunir autant de suffrages que son allié. La situation pour la présidentielle complique la situation : Georges Marchais sait fort bien qu’il ne ferait pas 5 millions de voix, mais les communistes ne peuvent aujourd’hui se permettre de ne pas présenter de candidat. En outre, il sait qu’il y a une proportion non négligeable d’électeurs communistes qui voteront pour Mitterrand dès le premier tour. Les dirigeants communistes s’aperçoivent que le parti recule dans les circonscriptions où il est le mieux implanté, en Seine-Saint-Denis par exemple, ou encore dans le Val-de-Marne. Un des éléments dece recul, pense-t-il, c’est le laxisme du recrutement à partir des entreprises. On s’est aperçu que le relais CGT n’aboutit pas toujours à un renforcement électoral du PC. Au bout du compte, le PC a peur de perdre sa suprématie sur la classe ouvrière.
    En définitive, les communistes se rallieront à la candidature de Mitterrand. D’ici là, ils vont essayer de reprendre l’offensive sur certains terrains, notamment sur celui des entreprises.
    Je comprends mieux le discours que m’a tenu André Vieuguet : il traduisait parfaitement l’état d’esprit actuel du Parti communiste.
    « En fin de compte, conclut Claude Estier, c’est le retour du vieux débat sur le rôle dirigeant du PC sur la classe ouvrière. »

    Lundi 18 octobre, un certain nombre de dirigeants du PC ont dîné chez Mitterrand, rue de Bièvre. « Marchais croit dur comme fer qu’on est entré en campagne électorale, me rapporte Claude Estier. Roland Leroy est persuadé que la décomposition de la société pompidolienne va trop vite. »
    Pourquoi « entré en campagne » ? Parce que, pour les communistes, la rumeur sur la maladie de Pompidou est plus qu’une rumeur. « C’est la question, disent-ils à Mitterrand, que posent les gens dès qu’un homme politique parisien débarque

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