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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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Lecanuet s’est demandé si la réforme du quinquennat pourrait lui fournir l’occasion de rejoindre la majorité gouvernementale. Il s’est aperçu que, sur ce point précis, Pierre Messmer ne le souhaitait pas. De toute façon, la victoire est loin d’être acquise. C’est peut-être cela qui fait hésiter le Premier ministre. Les premiers calculs montrent que, si le Congrès se réunissait aujourd’hui, 270 parlementaires (communistes, socialistes, auxquels s’ajouteraient quelques voix d’autres groupes) voteraient contre le quinquennat.

    9 octobre
    Paul-Marie de la Gorce refait pour moi le pointage qu’il a effectué au cabinet de Messmer.
    À l’Assemblée nationale : 265 députés, selon lui, voteront pour le quinquennat. Au Sénat, 134. Total : 399.
    Pour que le projet soit accepté, il faut 417 suffrages. Il y a donc 18 parlementaires à convaincre.
    « Depuis hier 24 , me confie-t-il, on en a perdu 15 : 1 ou 2 républicains indépendants, 3 ou 4 centristes, d’autres encore à cause de la politique française au Proche-Orient. »
    Messmer est très inquiet : au groupe UDR, il a dû répondre à des questions angoissées sur les abstentions, le nombre de navettes entre l’Assemblée nationale et le Sénat, etc.
    Pourquoi cette obstination de Pompidou à faire voter le quinquennat (qui s’annonce mal) ?
    Toujours est-il qu’Edgar Faure a demandé à Paul Granet d’écrire un article sur les cinq ans. En ajoutant que l’Élysée verrait d’un bon œil tout soutien. « Puisque nous y sommes favorables, a-t-il ajouté, pour une fois autant le dire. D’autant que, quand nous sommes contre, nous ne nous gênons pas pour le faire savoir ! »

    Le débat s’engage à la suite, à 16 h 30.
    Mitterrand en profite pour s’en prendre en premier lieu violemment à Giscard, parce que, m’a-t-il dit tout à l’heure, il le considère désormais comme le vrai chef de la majorité. Il aborde tous les sujets, notamment le climat politique, qui justifient la motion de censure : Lip, la hausse des prix, le coup d’État au Chili qui a vu la fin d’Allende. Sans oublier le Moyen-Orient, en ébullition depuis trois jours.
    Là, c’est le ministre des Affaires étrangères qu’il met sur la sellette. Celui-ci a déclaré, en effet, sur un ton bonhomme, à propos des Égyptiens envahissant le Sinaï dans ce qu’on appelle déjà la guerre du Kippour : « Est-ce que tenter de remettre les pieds chez soi constitue forcément une agression imprévue ? »
    « Cette phrase, accuse Mitterrand, a quelque chose de cynique, qui dépasse la gravité des choses ! »
    Il a pris Messmer à contre-pied. D’abord en lui reprochant de ne pas avoir ouvert le débat de politique étrangère. Ensuite, sur Israël, en se montrant plus pro-israélien que le gouvernement. Quant au ton général, il a été courtois et élevé.
    Messmer modifie rapidement la réponse dont il avait préparé une version plus violente. Il est sur la défensive, mais assez « social » lorsqu’il parle de Lip et, à ce sujet, d’abandon patronal. Il en tire deux enseignements : le premier est que les travailleurs doivent bénéficier d’une information sur leur propre entreprise et être associés à certaines décisions. « Il n’y a pas de travailleurs heureux dans une entreprise malheureuse » ; deuxième point : que les entreprises mal gérées sont condamnées à mort dans une économie libre. « Vouloir défendre à tout prix les entreprises mal gérées, cela ne peut conduire qu’à des catastrophes. »
    Il évoque aussi la crise du Chili 25 en des termes ouverts : « Venons-en, dit-il, à la douloureuse affaire du Chili. Douloureuse parce que tout homme est concerné quand d’autres hommes meurent pour leurs idées. » Il reste néanmoins favorable à la non-ingérence dans les affaires des autres États.
    Beau débat, inutile comme le plus souvent, puisque la censure ne sera pas votée. Mais beau.
    Messmer, un peu ennuyeux peut-être, encore qu’en progrès. Cela n’empêche pas René Andrieu de faire un mot : « Pompidou, en choisissant Messmer comme Premier ministre, a voulu quelqu’un qui ne l’emmerde pas. Alors il a pris quelqu’un qui emmerde les autres. »

    10 octobre
    Hier, au bureau politique de l’UDR, Couve de Murville a informé Comiti de sa décision de voter à titre personnel contre le quinquennat. Il a cette position parce que, selon lui, le quinquennat est lourd de

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