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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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dangers, car il amorce un processus de démantèlement de la Constitution.
    Nous sommes au lendemain du vote de censure. La majorité tout entière se délite.
    Après Couve, et pour d’autres raisons, c’est aujourd’hui au tour des républicains indépendants, lors de leur bureau politique, de se rebeller. Leur cible, cette fois, c’est Michel Jobert. Sa phrase sur les belligérants au Moyen-Orient est interprétée comme un encouragement aux pays arabes. « Nous souhaitons, dit Michel d’Ornano, que le gouvernement n’ait pas l’air de soutenir l’un des deux belligérants. » Costume bleu pétrole, cravate à rayures bleu marine et bleu clair, il s’en prend à Messmer dont il suspecte, ô horreur, qu’il ait « la mêmepolitique que le général de Gaulle au moment de la guerre des Six Jours ».
    Rébellion aussi des giscardiens et des centristes sur la politique intérieure : « On nous fait voter la loi Royer 26 , le quinquennat, le budget, nous n’avons plus qu’à nous rallier ! » proteste au Sénat, salle Médicis, le centriste Pierre Abelin.
    « Vous n’aviez qu’à voter la censure ! » rétorque, goguenard, un de ses collègues, André Colin.
    Le groupe UDR se réunit, lui, salle Colbert à 15 h 15. À l’ordre du jour, la révision constitutionnelle. « Ne parleront que ceux qui lui sont favorables. Le reste des députés se taira, parce qu’aucun d’entre eux ne veut être assailli de coups de téléphone ni de pressions de toutes sortes », commente sans illusion Nicole Rossolin, du cabinet de Couve. Le climat du groupe, tel que me le décrivent Paul Granet et d’autres parlementaires qui y ont assisté, est à l’hostilité envers le gouvernement – et contre Pompidou.
    Pierre Messmer ouvre le débat sur le thème : pourquoi un gaulliste doit voter oui à la réforme constitutionnelle, c’est-à-dire au quinquennat. Essentiellement parce que le président de la République le demande. Il met les points sur les i : « S’il n’était pas voté, le président de la République ne pourrait pas ne pas en tirer des conséquences très graves. »
    Voilà qui est dit.
    Un député ironise tout haut : « Votez-le, sinon c’est le peloton d’exécution ! » Un autre s’énerve : « Vous ne nous avez pas consultés sur ce projet !
    – Comment ? lui rétorque Messmer. Vous voyez bien qu’on vous consulte, puisqu’on vous demande de voter ! »
    Dans la discussion interne au groupe, l’intervention de Meunier, député des Ardennes, crée un incident : « Le général de Gaulle, clame-t-il, n’aurait jamais voulu cela ! »
    Messmer bondit :
    « Ne faites pas parler le général de Gaulle ! »
    Michel Debré exprime une position nuancée : il juge le projet mauvais en ce qu’il risque de faire coïncider mandat parlementaire et mandat présidentiel. Mais il dit hésiter : s’il vote contre, c’est à cause de la simultanéité des deux mandats. D’un autre côté, « le propre du gaullisme, dit-il, c’est de voter pour le président de la République issu de nos rangs ». Entre les deux prescriptions, son cœur balance.
    C’est ce que lui reproche vivement Chaban-Delmas, qui intervient après lui pour affirmer avec force que le gaullisme consiste avant tout à garder le pouvoir. Une conception pragmatique qui n’est pas du goût de l’auteur de la Constitution de 1958.
    Edgar Faure, lui, s’en remet au président : « Il est le seul, plaide-t-il, à avoir l’expérience du mandat présidentiel de sept ans. Faisons-lui confiance ! »
    Une grande majorité se dégage néanmoins pour trouver le projet inopportun et peu enthousiasmant. Jusqu’à Jacques Marette 27 , qui met les pieds dans le plat : « Retirez-le, ce projet ; de toute façon, c’est perdu ! »
    La conséquence de ces échanges, me dit Paul Granet, est que le projet va capoter. La fronde est quasiment ouverte contre Pompidou. Les conséquences, me dit-il, peuvent être catastrophiques : démission de Messmer ou dissolution de l’Assemblée. Et qui sait si le président, lui, ne va pas démissionner ?
    De toute façon, comment négocier un amendement qui interdirait à un président de se représenter plus de deux fois ? S’il émane des réformateurs, les gaullistes risquent de ne pas en vouloir. Et Pompidou de perdre sur les deux tableaux.
    Ce que me confirme immédiatement, dans les couloirs de l’Assemblée, Bignon qui vient, avec d’autres

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