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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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certes une dimension nationale, mais il n’a pas d’électorat, il n’a pas derrière lui de mécanique électorale. « Son seul atout : il est, lui, dans la course ! »
    Au fil de notre conversation, il reconnaît que Pompidou traverse une phase de difficultés intérieures et extérieures. L’Europe est dans une passe difficile, elle n’existe pas dans la guerre entre Arabes et Israéliens. À l’intérieur, problème de la taxation du pétrole : Pompidou était à Cajarc quand Giscard a pris cette mesure. Au dernier Conseil, Pompidou a engueulé Jean Charbonnel 33 parce qu’il lui avait signalé la rétention de pétrole par les pétroliers : « C’est insupportable, lui a-t-il dit, il y a des stocks de pétrole, tout le monde le sait ! Qu’attendez-vous pour y mettre fin ? J’exige que tous les dépôts soient approvisionnés ! »
    Le lendemain, Charbonnel a convoqué les patrons des groupes pétroliers : ceux-ci avaient évidemment tendance à stocker pour faire monter les prix. Les choses se sont quelque peu apaisées.

    Je reviens sur le problème Giscard. Après l’enquête faite par Régis Parenque pour un papier commun que nous devons écrire sur lui, il apparaît qu’effectivement il commence à se faire du souci sur la manière dont tout cela va tourner. Il est rentré lundi de New Delhi, il a rencontré Messmer le matin même et participé l’après-midi à un conseil restreint sur les DOM-TOM. À 5 heures du matin, il a filé à l’Assemblée pour clore le débat budgétaire par une brève allocution, banale et non préparée, dans laquelle il s’est borné à répéter les grandes orientations du budget 1974. Mercredi, Conseil des ministres, celui où Pompidou s’énerve contre Charbonnel. On y parle beaucoup de prix et, manifestement, Pompidou, relativement inquiet, ne souhaite pas malmener Giscard en public : les deux hommes se donnent rendez-vous pour l’après-midi. L’entrevue dure une heure et quart. Pas de communiqué à la fin : ce que se sont dit Giscard et Pompidou restera secret.
    Ce dont je suis sûre, après avoir interrogé ses proches et l’état-major de son mouvement, c’est que Giscard se pose des problèmes. Il est prêt à avaler toutes les couleuvres que l’on voudra, et son chapeau par-dessus, car il est convaincu de deux choses : la première est que, dans ce régime, celui qui est trop longtemps absent du pouvoir se fait oublier et ne dispose plus des éléments d’information indispensables ; la seconde est que, dans ce régime également, seul le président est en mesure de prendre des initiatives, d’animer, de donner des impulsions. Dans son for intérieur, Giscard n’est pas loin d’admettre que cette centralisation est excessive et néfaste.
    Pourtant, dans l’entourage de Giscard, chacun marche sur des œufs. L’heure est à la concentration et à la discrétion. On traverse une phase difficile, comme après la dévaluation de 1969. Giscard avait dit alors : « Nous réussirons parce que nous voulons réussir. » C’est le genre d’argument auquel on a recours quand on n’en a plus d’autres.
    Il en est au même point aujourd’hui, mais dans une situation que l’on maîtrise moins bien, avec une cohésion gouvernementale moindre et une volonté politique inexistante.
    Giscard s’est attaqué de front aux commerçants. A-t-il commis en cela une faute politique ? C’est ce que pensent les milieux patronaux,où l’on se demande comment Giscard va se sortir de ce mauvais pas sans avoir l’air de faire trop de concessions. Pour sauver la face, l’Europe sera sa providence : elle lui fournira, au Conseil des 3 et 4 décembre, les meilleures justifications de sa politique.
    En attendant, et pour franchir cette phase difficile, Giscard fait le gros dos. Il imagine sans plaisir particulier – on le comprend ! – Mitterrand faire écho à Michel Debré, une fois n’est pas coutume, pour dénoncer l’homme qui n’aurait pas su trouver une juste politique entre la stabilisation de 1963 et l’inflation de 1973. S’il partait maintenant, ce serait sans nul doute ce thème qui serait exploité à plaisir contre lui.

    21 novembre
    Conversation avec Denis Baudouin. Il en ressort aujourd’hui – Dieu sait à quoi ça tient ! – que Pompidou ne se représenterait pas en 1976.
    Il parle longuement d’un déjeuner où Jacques Duhamel, déjà très gravement malade, avait raconté à Pompidou que, lorsqu’ils

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