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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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étaient jeunes, lui-même, Jacques Duhamel, avait loué en commun une maison avec Jean-Jacques Servan-Schreiber et Valéry Giscard d’Estaing. Pompidou, qui ne le savait pas, était sur les fesses.
    « Mais vous êtes arrivés à ne pas vous disputer ? a-t-il demandé.
    – Tout à fait, a répondu Duhamel. Valéry n’était jamais là, J-J S-S travaillait la nuit et moi le jour... »
    Un ou deux jours plus tard, Dominique de la Martinière me raconte cette histoire : à l’ambassade d’Angleterre, l’année dernière, Chaban, encore Premier ministre – c’était donc avant juillet 1972 – rencontre Pierre Juillet ; il fonce :
    « Alors, Juillet, vous voulez ma peau ? Je peux vous demander pourquoi ? »
    Juillet ne se démonte pas :
    « Parce que je pense à mon pays, répond-il, et que je n’ai pas envie qu’il se désagrège à cause de votre politique. »
    L’un et l’autre sont blêmes de colère et se tournent le dos, rejoignant la foule des invités en tremblant de rage.

    28 novembre
    Vu Jean Kanapa, du PC. Il pense que la France a sans le dire réintégré l’OTAN : « De Gaulle avait fait approuver le retrait des troupes françaises du commandant intégré de l’OTAN. Il y avait des aspects positifs dans la politique de De Gaulle, reconnaît-il : le discours de Phnom-Penh, par exemple, où il a demandé que les Américains laissent tranquille le Vietnam. » Il déplore que la politique de Pompidou soit aujourd’hui si opposée aux objectifs tracés avant lui par le Général. Il juge le gouvernement timoré par rapport aux accords de Paris, dont Pompidou se contrefiche. Plus largement, il accuse celui-ci d’atlantisme.
    Je regarde cet homme qui, depuis longtemps, représente pour moi – essentiellement d’ailleurs par ce qu’on m’en a dit – la version française du stalinisme dans toute son horreur. Pourtant, son aspect élégant, presque distingué, sa façon de s’exprimer, si loin de l’accent traînant et du phrasé nonchalant de Paul Laurent, me paraissent bien loin de l’image de l’homme que j’imaginais. Fait-il un effort pour parler avec moi, journaliste d’un journal bourgeois ? Ou est-il naturellement comme cela ? Je ne sais. Je le trouve anti-atlantiste, anti-israélien, anti-américain, mais je connais bien des gaullistes qui me disent les mêmes choses que lui !

    5 décembre
    L’atmosphère s’alourdit. Paul Granet me dit en riant, hier, alors qu’il sortait d’une réunion de groupe : « On ne sait pas où on va, mais de toute manière on n’y va pas ! »
    Poniatowski, me dit hier Gadot, conseille à Giscard de quitter le gouvernement. Il faut dire que les relations entre l’UDR et lui ne sont pas bonnes. Au dîner de jeudi donné en l’honneur du Parlement à l’Élysée, le suppléant de Jean Royer, Jean Chassagne 34 , a attaqué Giscard sous prétexte que celui-ci avait été absent, à 3 heures du matin, de la discussion budgétaire. Giscard n’est arrivé qu’à 5 heures !
    On continue parallèlement à entendre parler du départ de Messmer.
    « Faux ! nie Marchetti au téléphone. Messmer est le plus commode pour Pompidou. Il a une image de droiture qui en impose. Après Rives-Henrys et la politique de la poubelle, Messmer est le meilleur. »
    Pendant ce temps, les prix augmentent, qu’il s’agisse des prix alimentaires ou de ceux des matières premières. Les salaires aussi, mais les augmentations sont comme avalées par les hausses de prix. L’industrie automobile est particulièrement éprouvée : elle supporte les hausses de salaires, celles de l’acier et des matières plastiques.
    Les licenciements continuent de plus belle.
    Conclusion de Marchetti depuis son bureau de l’Élysée : « Les choix pépères de Giscard sont désormais remis en cause. »

    13 décembre
    Conversation avec Jacques Friedmann, resté l’ami et le conseiller le plus proche de Jacques Chirac. Nous parlons de l’éventualité d’un gouvernement dirigé par Chirac. C’est Marie-France Garaud qui est à la manœuvre. « Elle ne mène pas si mal son jeu, me fait observer Friedmann. Il y a deux mois, personne dans le monde politique n’aurait cru à une nomination de Chirac. Aujourd’hui, l’hypothèse est en tout cas plausible. »

    15 et 16 décembre
    Convention socialiste sur l’Europe. Peut-on aménager un îlot socialiste limité à la France ? Peut-on faire le socialisme dans un seul pays ? Peut-on faire

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