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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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parfois. Il plaide que la décentralisation est un besoin ressenti par la province, où l’on éprouve aliénation et frustration. Depuis des siècles, des voix s’élèventcontre la centralisation. « Jamais aucune ne s’est fait entendre. » Il propose en revanche des réformes légères et évolutives :
    « Vouloir donner le pouvoir aux régions, comme le souhaiterait Servan-Schreiber, dit-il, c’est faire n’importe quoi, c’est provoquer un éclatement de l’unité nationale. Nous proposons, nous, une solution raisonnable. Dans quelque temps, quand les institutions seront rodées, on pourra augmenter leur pouvoir. »
    En revanche, il serait absurde, selon lui, de prendre prétexte des manifestations autonomistes d’aujourd’hui pour serrer la vis et centraliser davantage.
    Début mars
    Rapide tour d’horizon sur la confusion que l’on sent au sommet de l’État avec la désignation du troisième gouvernement Messmer, le 1 er  mars 1974.
    L’hypothèse qui était l’autre jour celle de Jean-Philippe Lecat au sujet de l’éventuelle nomination de Giscard à Matignon a fait un tel bruit dans les rangs de l’UDR (sans doute ai-je d’ailleurs servi, par mon article de L’Express 11 , à faire monter la sauce) que Pompidou y a renoncé. Il a même reçu Chaban en tête à tête, le 21 février, pendant une heure trois quarts.
    Juillet et Chirac trouvent que Messmer est l’homme idéal, qu’il marche au canon sous les ordres du chef de l’État : ils ont eu raison des hésitations de Pompidou. Va donc pour Messmer III dans lequel, cela n’a surpris personne, Jacques Chirac occupe un poste de choix, celui de ministre de l’Intérieur. Un ministère-clé d’où il peut tout surveiller, et éventuellement animer n’importe quelle campagne électorale.
    Combien de temps faut-il à un ministre de l’Intérieur pour être parfaitement opérationnel : six mois ? trois mois ?
    Le même temps qu’il faut à Denis Baudouin, selon Lecat, pour mettre au point un système idéal de communication et de propagande.
    Voilà pourquoi tout le monde – ou du moins beaucoup – pense que les élections se dérouleront dans les six mois.
    12 et 13 mars
    Voyage de Pompidou à Pitsounda. Ce voyage a souvent été remis. Georges Pompidou ne voulait pas reprendre froid. On a choisi Pitsounda, car c’est l’endroit, paraît-il, le plus ensoleillé de Russie. Les mêmes raisons qui m’ont envoyée le suivre en Chine expliquent que je participe au voyage. Ce qu’il fait en Russie est désormais moins important que la manière dont il se porte. L’avion des journalistes se pose avant le sien, ce qui nous donne tout loisir d’assister à son arrivée.
    L’avion présidentiel se pose sur le tarmac après un impressionnant ballet aérien d’une précision extraordinaire (chasseurs soviétiques attendant dans le ciel l’avion présidentiel, se posant quelques secondes avant lui, puis l’avion aux couleurs françaises atterrissant en majesté). Pompidou, en pardessus marron d’Inde, descend précautionneusement la passerelle. Ce que les caméras russes ne filment pas. Quelques pas et il salue Brejnev, puis passe en revue à petits pas comptés les dignitaires du Kremlin et de Géorgie rangés à la queue leu leu. Il monte, sans trop d’effort, dans l’hélicoptère beige de l’Aéroflot et disparaît dans les airs. Les journalistes se ruent vers les autocars prévus à leur intention.
    Dès son arrivée à Pitsounda, petite station balnéaire de la mer Noire où les cadres du parti et la nomenklatura passent leurs vacances, il se repose dans sa datcha, un parallélépipède sur deux niveaux : salle de réunion et salon au rez-de-chaussée, chambres au premier. Nous apprenons que le dîner prévu pour le premier soir est annulé. Nous ne pourrons donc pas apercevoir Pompidou ce premier jour.
    Les journalistes français sont en résidence (presque surveillée) dans un de ces hôtels comme on les imagine en Union soviétique : un bloc de béton froid avec de lugubres salles à manger. La plage doit être belle au mois d’août, mais nous sommes en septembre et il ne fait pas si chaud. Le meilleur, dans cette affaire, est que les Russes ont prévu ce soir-là, pour le dîner des journalistes français, de somptueuses assiettées de caviar. Il y a plus d’une centaine de couverts et nous ne sommes qu’une trentaine. Qu’à cela ne tienne : nous liquidons les cent portions avec ardeur en nous

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