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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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déplaçant le long des tables de formica recouvertes de nappes blanches.

    Le 13 mars , Marchetti nous réunit à 10 h 30 pour nous rendre compte de l’entretien qui, conduit par Georges Pompidou et Leonid Brejnev, a eu lieu trois heures durant, entre la délégation soviétique, parmi laquelle se trouvaient Gromyko et Tchervonenko, et la française, à laquelle participaient Michel Jobert, Édouard Balladur, Geoffroy de Courcel et, naturellement, l’ambassadeur de France en Union soviétique.
    Le communiqué est sans surprise : « atmosphère amicale », « estime mutuelle », « échange de vues constructif », rien n’y manque.
    L’objet de l’entretien était l’approfondissement de la coopération entre la France et la Russie soviétique. Deux phrases de Pompidou à ses interlocuteurs russes : « Vous vous trouvez à l’Est, et pas à l’extrême Ouest, et on ne peut pas imaginer une stabilité en Europe dans laquelle ne figure pas comme un élément de premier ordre l’entente entre nos deux pays. » Et : « Dans les relations franco-soviétiques, le général de Gaulle avait ouvert un sentier. Ce sentier est devenu une autoroute où d’autres, maintenant, se précipitent à grande vitesse. »
    Image que Leonid Brejnev reprend plus tard : « L’autoroute que nous construirons ensemble, dit-il à Pompidou, sera une très belle réalisation. Nous insistons sur la nécessité et l’exemplarité de nos relations. Nous sommes toujours fiers de dire, ajoute-t-il non sans courtoisie, que nous avons de bons rapports avec la France. »
    Le tout sur un fond beaucoup plus dur, les Russes insistant pour la tenue d’une conférence sur la sécurité européenne avec les 35 pays d’Europe. Ils ont le sentiment, disent-ils en langage diplomatique, que les pays européens ne ressentent pas le même enthousiasme qu’eux à cette idée. Et que les Français sont essentiellement préoccupés de leurs relations bilatérales avec la Russie.

    Le 13 à 17 heures (heure de Moscou), Pompidou et Brejnev invitent la presse à la datcha réservée au président français et à sa suite. Jusque-là, nous n’avons toujours pas pu approcher ce dernier. Sous le péristyle à colonnades, une corde a été tendue pour empêcher les journalistes les plus imprudents d’avancer. La corde va d’un arbre du jardin à la porte d’entrée de la datcha. Dans le jardin, quelques palmiers, des pins ; on entend le bruit des vagues, très fort. L’intérieur, salon et chambres, rideaux verts défraîchis aux fenêtres, pour autant qu’on puisse les voir, est de style Barbès 1925.
    Un nouveau communiqué nous est remis sur le « raffermissement de la sécurité européenne et internationale », tandis que Pompidou parle : cette rencontre, dit-il, a pris place dans le cadre de rencontres sans protocole comme il y en aura d’autres, à intervalles non fixés d’avance. « Dans ce genre de réunion, les détails ont été fort peu évoqués. J’ai parlé, dit le président, au nom de la France, et uniquement de la France, tout en ayant le souci de rester fidèle à nos amitiés européennes et autres. »
    Il brosse ensuite un résumé de tous les sujets abordés, dans une synthèse vague mais bien dite et assez enlevée. Je passe sur les différents points abordés par les deux délégations, dont les spécialistes de l’AFP rendent immédiatement compte au monde entier. Nous sommes un petit nombre à n’avoir d’yeux que pour Pompidou. L’un me fait remarquer que le visage du président est de couleur brique, l’autre que ses mains, en revanche, sont d’une blancheur presque effrayante. À peine a-t-il fini de parler qu’il se retire et disparaît dans le salon de sa résidence.

    Nous reprenons l’avion dans la soirée. Je suis avec Léon Zitrone, qui parle russe, dans une des voitures qui nous raccompagnent à l’aéroport. La nuit tombe et, on ne sait pourquoi, le chauffeur se trompe et manque le portail par lequel est entré tout à l’heure le cortège des journalistes, lequel nous a distancés. Nous avons tous deux peur de rater l’avion et, de sa voix tonitruante, Zitrone, furieux, interpelle le chauffeur et le flic qui l’accompagne. Le ton monte alors que le chauffeur cherche sa route. « Et, dans tout cela, finit par lâcher Zitrone en russe, nous avons été très maltraités pendant tout ce voyage. Nous n’avons pas pu faire notre travail ! Nous n’avons jamais pu approcher

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