Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977
innovation dans l’histoire de la V e République : il ne pense pas que la France doive contribuer à la dissémination des armes nucléaires. « Pour ma part, affirme-t-il avec force, je la refuse ! »
Il est très optimiste, enfin, sur l’économie : il nous assure que l’indice des prix sera bon en novembre, meilleur encore en décembre et janvier. Sur le problème de la balance commerciale, il a cette lapalissade : « Nos exportations sont bonnes, ce sont nos importations qui sont trop importantes. » CQFD !
Pour finir, il repart sur son thème majeur : « Ce qui se passe actuellement dans la vie politique est une clarification essentielle entre la réforme et le conservatisme. »
Je lui demande jusqu’où doit aller cette clarification. Jusqu’à la rupture ? Il me dit que la majorité peut très bien être divisée en deux courants différents sans que cela lui nuise.
Je n’y comprends rien : si c’est le cas, pourquoi avoir rompu avec Chirac ?
Reste cette phrase que j’ai notée : « Ce n’est pas la France qui a un président fragile, c’est la France elle-même qui est fragile ! »
Il nous dispense des flopées de phrases optimistes. La réalité de ce qu’il pense doit l’être moins : s’il nous réunit aussi souvent, à quelques-uns, censés faire l’information, c’est qu’il n’est pas sûr que son message soit bien compris.
24 décembre
À la veille de Noël, assassinat de Jean de Broglie : un proche de Giscard, que dis-je, un de ceux qui ont contribué à faire de Giscard un président de la République.
Assassiné ! Je ne sais rien des circonstances, car la nouvelle vient tout juste d’être connue. On dit qu’il sortait de chez son conseillerfiscal. Tout de même, un assassinat en pleine rue ! D’un ancien ministre, de surcroît ! Et d’un prince de Broglie ! Tué comme un malfrat !
28 décembre
Je me suis rappelé aujourd’hui – parce qu’il me l’a lui-même rappelé – dans quelles conditions Fernand Icart, député RI des Alpes-Maritimes, avait été propulsé à la présidence de la commission des finances de l’Assemblée nationale, un beau matin d’avril 1973. Il avait reçu à l’heure du déjeuner un coup de téléphone de Giscard, alors seulement président des RI, lui demandant de présenter sa candidature à cette commission, de Broglie en partant précipitamment et Jacques Dominati, auquel il avait accepté de confier le poste, n’en ayant finalement pas voulu.
Cela ne m’avait pas paru important, à l’époque. Aujourd’hui, je ne peux pas ne pas me demander si ce retrait ultra-rapide n’avait pas été forcé.
1 - Secrétaire d’État à la Culture de juin 1974 à août 1976.
2 - Mon frère, Alain Cotta, agrégé d’économie politique.
3 - Député communiste du Nord.
4 - Énarque (promotion Saint-Just), collaborateur de Valéry Giscard d’Estaing depuis 1964, auteur en 1972 d’un ouvrage, Imaginer l’avenir .
5 - Maire de Saint-Étienne (1965-1967), sénateur de la Loire (1965-1967), député de la Loire (1967-1974), ministre du Travail (1974-1976), puis ministre délégué chargé de l’Économie et des Finances (1976-1977).
6 - Né le 11 mars 1927 à Ajaccio, secrétaire général des Républicains indépendants, sera élu député en 1978 dans la seconde circonscription de Paris.
7 - Éric Hintermann, ancien journaliste au Populaire , secrétaire du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, crée le Parti social-démocrate en 1975. Il publie en septembre 1979 un Manifeste pour une social-démocratie française.
8 - À Troyes, le 30 janvier 1976, Philippe Bertrand enlève un enfant de 7 ans à la sortie de l’école et le tue. Un crime odieux, qui relance la polémique sur la peine de mort. La plaidoirie de Robert Badinter, son avocat, contre la peine capitale, lui évitera la guillotine en 1977.
9 - Abdelaziz Bouteflika, né en 1937, rejoint le maquis du FLN (Front de libération nationale) en 1955. En 1962, après l’indépendance de l’Algérie, il entre au gouvernement d’Ahmed Ben Bella, dans lequel il est ministre de la Jeunesse, des Sports et du Tourisme. Devenu ministre des Affaires étrangères, il conserve son poste sous la présidence de Houari Boumédiène.
10 - Député, puis sénateur républicain indépendant des Vosges.
11 - Jérôme Monod est directeur de cabinet de Jacques Chirac, François Heilbronner, son directeur-adjoint. Raymond Soubie est
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