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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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abandon des nationalisations du pétrole etde l’industrie automobile ; réduction des filières nationalisables de 1 008 à 729.
    Puis, surprise, les trois délégations passent deux heures à réécrire l’histoire : qui était là, en 1972, au moment de la première négociation du programme commun ; comment a été décidée telle mesure, et telle autre ? On s’enlise, quand Mitterrand fait une nouvelle proposition : « Nationalisons les 9 groupes du programme commun et tous leurs actifs ! » Ce qui sous-entend, dans son esprit, que cette solution permet de faire cohabiter capital public et capital privé.
    Il part ensuite pour Antenne 2, dont il est l’invité du journal. Je le regarde. Il est plutôt calme. Il a un peu grossi pendant les vacances. Aux tempes, ses cheveux sont gris. Sur le PC, il ne bougera plus d’un pouce, il n’ira pas plus loin en ce qui concerne les nationalisations.
    Les radicaux ? Ils ont fait du cirque. « M. Fabre est parti, ironise Mitterrand, puis il est revenu. Les problèmes sont restés. »
    Sur l’éventail des salaires : le gouvernement de la gauche doit aller vers un resserrement. Pourtant, « prétendre qu’il serait possible et même souhaitable de resserrer de 1 à 5 l’éventail des salaires, ça n’est pas réalisable, cela n’a été réalisé nulle part ailleurs dans le monde ».

    Je le joins le soir même : « Maintenant, me dit-il, quoi que nous fassions, cela ne changera rien. Leur décision est prise, mais je ne sais pas laquelle. »

    23 septembre
    Les trois délégations se retrouvent après l’interruption télévisée de François Mitterrand, ce jeudi, toujours au PC.
    Le matin, tout se passe très bien et assez vite, jusqu’au déjeuner préparé par le cuisinier de la place du Colonel-Fabien : melon au porto, jambon de Bayonne, filet de bœuf, salade, vin rouge de l’Hérault, cuvée spéciale de L’Humanité .
    L’après-midi, c’est une autre affaire. Le premier sujet sorti du chapeau est la force de frappe. Mitterrand est prêt à renoncer à l’idée d’un référendum sur le sujet, mais les communistes en profitent pour suspecter les socialistes de vouloir l’intégration militaire de l’Europe. Le débat patine, Marchais réserve le sujet.

    J’écris la suite pendant la nuit pour mon premier papier au journal Le Point  : c’est donc minute après minute que la journaliste présente sur place, au siège du PC, me fait parvenir des informations que je mets en forme. À une ou deux reprises, pourtant, sans doute pendant les suspensions de séance, je reçois un coup de téléphone d’un des membres de la délégation socialiste, qui décrit l’atmosphère et résume les débats.
    On passe à la question essentielle, celle des nationalisations. Les socialistes proposent de répertorier leurs propositions par écrit et de reprendre la séance à 21 h 30. Les communistes cèdent, même si la fatigue commence à marquer les traits des négociateurs.
    À 21 h 30, c’est l’heure de vérité. Les délégations se retrouvent, mais se séparent aussitôt, les socialistes demandant une suspension de séance, qui dure jusqu’à 23 h 30. L’objet : si la rupture devait se produire, il s’agit, demande Mitterrand, de mettre, sans se diviser, les communistes devant leurs responsabilités.
    Lorsqu’ils reviennent en séance, les socialistes ont l’impression que les propositions qu’ils viennent de répertorier n’ont pas même été lues par les communistes.
    Le premier échange est celui-ci :
    Philippe Herzog  : « Ce texte contient effectivement quelques éléments nouveaux, mais il n’est pas dans l’esprit de 1972. »
    Georges Marchais  : « Non, vraiment, ça ne va pas du tout. »
    Silence.
    Il reprend : « Non, rien de nouveau là-dedans, vous êtes en retrait par rapport à ce que vous avez déjà signé. Pas même la peine de regarder ! »
    D’un geste brutal, Georges Marchais, soudain accablé de fatigue, pâle, les yeux rougis, rejette sur la table les feuillets rédigés par les socialistes.
    Il est minuit et quart, place du Colonel-Fabien.
    François Mitterrand et les siens ont compris.
    Les dernières paroles s’échangent.
    François Mitterrand  : « Votre conception des nationalisations s’intègre dans une conception de la société future qui n’est pas la nôtre. Constatons que nous ne parlons pas de la même chose. »
    Georges Marchais  : « On ne pourra continuer

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