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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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confie aussi qu’il a dit à Raymond Barre de ne point trop apparaître comme le pourfendeur du programme commun. « La stratégie anticommuniste, ça ne paie plus. La dénonciation du PS encore moins, et celle du programme commun est nulle. »

    13 septembre
    Claude Estier me raconte aujourd’hui à quel point il est dans le bleu en ce qui concerne le prochain sommet de la gauche.
    De deux choses l’une : ou les communistes veulent l’accord, et, dans ce cas, le premier sommet prévu en septembre commencera très durement, mais on mettra quelques heures pour aboutir à un constat positif sur l’ensemble de la négociation telle qu’elle a été menée par les 15 « réactualiseurs » choisis d’un commun accord en mai dernier. Ou les communistes ne veulent pas d’accord, et dans ce cas-là le sommet et les pourparlers seront renvoyés sine die .
    Claude Estier ne cache pas qu’il travaille dans le cadre de la première hypothèse. Il se rassure lui-même : « Si Georges Marchais avait voulu être plus dur, il l’aurait été à la fête de L’Huma , me dit-il. Or, là, il n’a rien ajouté de nouveau. Il a été parfaitement désagréable, mais sans rien ajouter de nouveau au procès ! »
    Dans l’art de décrypter le vocabulaire et le comportement du PC, Estier est passé maître. Je suis néanmoins stupéfaite que, à quelques heures seulement de l’échéance politique la plus importante pour la gauche, il n’en sache pas davantage – pas plus que Mitterrand – sur les intentions réelles des communistes.

    15 septembre
    Sur les images que diffuse, presque en boucle, la télévision, toutes chaînes confondues, Robert Fabre, président des radicaux de gauche, bouscule Georges Marchais. « Laisse-moi passer, c’est moi qui parle le premier ! » lance le doux pharmacien de Villefranche-de-Rouergueau secrétaire général du Parti communiste français qui en reste comme deux ronds de flan.
    Ainsi se termine, de manière pagnolesque, le premier sommet de la gauche entre socialistes, radicaux et communistes qui s’est tenu hier dans la bonbonnière qui tient lieu de siège au Parti socialiste, place du Palais-Bourbon.
    Robert Fabre me raconte rapidement, le lendemain, comment se sont passées, de son point de vue, les négociations :
    « François Mitterrand, dit-il, tenait à apparaître comme l’arbitre. Donc, il me disait : “Robert Fabre, qu’en pensez-vous ?” Je répondais. Il s’adressait ensuite aux communistes : “Et vous ?” Georges Marchais faisait alors part de sa position. Et François Mitterrand concluait en réservant les points de désaccord et en renvoyant dos à dos radicaux et communistes. J’ai vu clair dans son jeu. Il voulait nous laisser nous engager et n’en rien faire lui-même ! »
    Le fond de l’affaire n’est tout de même pas aussi enfantin que ce désir, révélé par Robert Fabre, de ne pas laisser le beau rôle à François Mitterrand ! Le fond de l’affaire, c’est le volume des nationalisations. Quelques nationalisations, Fabre veut bien les faire accepter par son petit parti. Beaucoup plus, il ne le veut ni ne le peut. L’affaire des nationalisations est en effet au cœur du sommet de la gauche. Il me raconte qu’à la fin juillet, lors d’une réunion du groupe des « 15 réactualisateurs », Philippe Herzog, l’économiste du PC, a évoqué pour la première fois les quelque 10 000 filiales que les communistes souhaitaient nationaliser. Socialistes et radicaux, ce jour-là, étaient tombés de haut. D’abord parce que jamais dans leur esprit la nationalisation des neuf groupes industriels prévus par le programme commun ne devait entraîner une telle cascade de nationalisations en aval. Ensuite parce que, ne s’attendant pas à cela, les négociateurs socialistes et radicaux n’avaient ni vraie doctrine, ni consigne ferme. Fin juillet, les « 15 » avaient décidé de réserver ce dossier explosif pour le sommet de la gauche prévu en septembre.
    Après la discussion sur le montant du SMIC (2 400 francs pour les communistes, 2 200 francs pour les socialistes et les radicaux), sur la hiérarchie et l’éventail des salaires, le vote des immigrés, dont ne veulent ni les radicaux ni les communistes, on en arrive, sur le coup de 17 heures, aux nationalisations. D’emblée, l’impasse semble totale : entre les communistes qui proposent la nationalisation d’un nombre impressionnant de filiales, les

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