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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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était qui et quoi. Les trostkistes couraient en sautant : « Hop, hop, hop ! » En revanche, je n’ai pas vu de bataillons « pro-chinois ».
    J’ai croisé des gens que je n’aurais jamais cru voir dans une manifestation de ce genre, comme Jean-Luc Parodi 13 , mon ex-condisciple à Sciences-Po, qui faisait hop-hop-hop ! lui aussi.
    Je marchais à côté d’une amie metteuse en pages à L’Express , qui, enceinte, a failli se trouver mal en courant avec la foule. Bref, j’ai presque honte d’avoir trouvé cela assez gai et, pour une fois, pas violent du tout.
    Quelle différence avec les images de combats de rues et de guérilla urbaine du 10 mai ! J’ai quitté la manif pour rentrer à la maison avant la place Denfert-Rochereau.

    14 mai
    Je n’avais pas tout vu : Jacques Derogy, qui était sur le parcours de la manifestation, me raconte ce matin la scène, significative du décalage entre les hommes politiques, même lorsqu’ils sont degauche, et les jeunes : François Mitterrand a été hué au détour d’une rue par des jeunes trotskistes casqués de la Fédération des étudiants révolutionnaires. En passant sous les fenêtres de la Fédération SFIO de la Seine, boulevard Magenta, les mêmes étudiants révolutionnaires ont conspué les « bureaucrates socialos ».

    15 mai
    « Cléon, c’est le Nanterre des ouvriers » : pour un des dirigeants de la régie Renault qui le dit au téléphone à François Gault 14 , lequel me le répète, l’occupation de l’usine de Cléon est, dans les milieux ouvriers, l’équivalent de ce qui s’est passé la semaine dernière chez les étudiants. Cléon est le nom d’une petite ville calme de Seine-Maritime ; 45 000 ouvriers y fabriquent à la chaîne des boîtes de vitesses. Deux cents d’entre eux se sont enfermés dans les bureaux, mercredi soir, ont séquestré le directeur, passé la nuit sur place et refusé d’ouvrir l’usine le lendemain.
    À Flins, c’était jeudi. Dans les deux cas, il s’agissait d’une action spontanée, hors du contrôle des syndicats, pourtant puissants dans l’automobile. Ceux-ci ont fini par se rallier dans la journée au mouvement, mais ils ne l’ont pas suscité : cela, les journalistes spécialisés dans les questions sociales, dont François Gault, ici, me l’assurent.
    Le soir, réunion des deux états-majors CGT et CFDT, square Montholon, à la CFDT : Georges Séguy dénonce l’« aventurisme étudiant ». C’est un tournant : jusqu’à présent, les communistes (voir samedi dernier le communiqué commun PC-PS) condamnaient la répression policière ; aujourd’hui, ils trouvent que les choses vont trop loin. Déjà, le 13 mai, Georges Séguy n’avait pas voulu que Cohn-Bendit défile à ses côtés quand la grande manifestation vers Denfert-Rochereau a commencé. Il n’a cédé, paraît-il, que lorsque Sauvageot et Geismar, plus honorables à ses yeux, ont insisté !
    Quant à Cohn-Bendit, qui a été entraîné ce jour-là à un meeting PSU, il a traité les communistes de « crapules staliniennes ». Interrogé sur Mitterrand, il a répondu : « Un allié, non, mais quelqu’un qui, à la rigueur, peut servir à quelque chose. »
    Et Pierre Mendès France ? Réponse faite par l’un des « enragés » interrogé dans la rue : « C’est la moins dévalorisée de vos vedettes ! »
    « La maladie infantile du communisme » : Roland Leroy est, de tous les communistes, celui qui paraît le plus inquiet de tous face àl’« aventurisme » étudiant (peut-être parce qu’il a été celui qui a combattu l’orientation des étudiants communistes en rupture avec le PC en 1965). Il n’est pas aussi sommaire que Marchais et ne parle pas de l’« anarchiste allemand » : il craint tout simplement, depuis Flins et Cléon, que l’« aventurisme » étudiant ne gagne les ouvriers. D’un coup, le mouvement change de portée. Tant qu’il s’agissait des étudiants, bon, les communistes s’y faisaient. Si la classe ouvrière leur échappe aujourd’hui, c’est une tout autre affaire. Cela peut se terminer à leurs yeux, disent-ils, par une débandade populaire face aux forces de répression capitalistes.
    Je schématise, car, par ailleurs, ni le PC ni la CGT ne peuvent se couper de la « base », mais doivent bien la suivre (selon les formules célèbres : « Je suis leur chef, il faut bien que je les suive », ou, au choix : « Puisque ces

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