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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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par la foule.
    D’autant que, m’a confié André Rousselet, Mendès, qui avait rencontré Mitterrand le 24 mai au soir rue Guynemer, a par la suite, sans lui en parler, participé en compagnie de Michel Rocard au rassemblement de Charléty, le 27, où il a été bien accueilli, mais s’est gardé de prendre la parole.

    À la conférence de presse de l’Intercontinental, Guy Mollet et René Billères étaient au premier rang. Il y avait tous les photographes et les journalistes de Paris, la télé, un monde fou, dans une atmosphère plus qu’électrique. Lorsque Mitterrand a eu fini de parler, Guy Mollet s’est précipité sur lui pour le féliciter, les radicaux aussi. Puis Mollet, me voyant, est venu vers moi et m’a demandé comment j’avais trouvé Mitterrand. Il a été stupéfait que je lui dise que je ne l’avais pas trouvé bon du tout. Je lui ai expliqué tant bien que mal, dans le brouhaha, mes réticences. Ce qui m’a gênée, et d’ailleurs me gêne toujours, c’est que Mitterrand, en proposant à PMF de diriger un gouvernement provisoire et en annonçant qu’il serait, lui, candidat à la future présidentielle, a été trop vite, constitutionnellement parlant : de Gaulle est toujours là, il n’est pas parti, il n’a pas démissionné. « C’est une question d’heures, me réplique Guy Mollet, ça ne pose aucun problème ! Il partira le 16 mai, après le référendum ! Quant au gouvernement, il disparaîtra tout naturellement, il sera démissionnaire de fait ! »
    Tout de même, dire qu’il est candidat à des élections qui ne sont pas encore annoncées, dire au surplus qu’il y aura un gouvernement de transition alors que le gouvernement Pompidou, légalement, restera en place après le référendum, voilà qui me paraît aller vite en besogne !
    Claude Estier, qui se joint à nous, n’est pas plus inquiet que Guy Mollet sur l’interprétation que l’on peut faire des propos de Mitterrand. Après tout, je me dis que je n’ai pas à être plus royaliste que le roi : les politiques, ce sont eux 23 .
    Dans l’après-midi, je vois au Palais-Bourbon Guy Mollet et Gaston Defferre réitérer leurs félicitations à Mitterrand.
    Les communistes ont fait carrément la gueule à propos de l’annonce d’un gouvernement provisoire conduit par Pierre Mendès France ; ils l’ont dit à Mitterrand, paraît-il, le soir même : ils n’ont jamais aimé Mendès France, ils pensent qu’il est anticommuniste, qu’il ne sera jamais l’homme du programme commun. Pendant une heure, mardi soir, Mitterrand a plaidé la nécessité, pour l’ensemble de la gauche, de s’adjoindre Mendès. Au moins pour qu’il ne lui nuise pas ? Je ne suis pas sûre que Mitterrand leur ait dit cela en ces termes, mais je suis convaincue qu’il le pense. Je n’ai pas oublié le premier tour de l’élection de 1965 et la réticence qu’avait manifestée ce soir-là Mendès, pas vraiment heureux à l’idée que Mitterrand ait obtenu plus de 30 % des voix !
    Je ne suis pas sûre, au bout du compte, que les communistes ne préfèrent pas de Gaulle à Mendès France...

    29 mai
    Quand j’arrive le matin, au journal, tout l’état-major, Françoise Giroud comprise, est perplexe. Certains pensent que la conférence de presse de Mitterrand a fait un effet catastrophique. Une partie de la presse aussi. Je comprends d’autant plus leur réaction que, moi-même, j’ai été consternée. Est-ce parce que Jean-Jacques Servan-Schreiber est plus proche de PMF que de Mitterrand qu’il est sceptique sur les effets de cette conférence de presse ? A-t-il eu peur de l’alliance à gauche avec le Parti communiste ? En tout cas, l’étoile de Mitterrand, ce matin, n’est pas au firmament.

    Dépêche en fin de matinée : le général de Gaulle est parti pour Colombey. Au journal, nous sommes stupéfaits. À 15 heures, l’AFP annonce que le Général n’est pas arrivé à Colombey. Je décide, avec Irène Allier, d’aller à l’Assemblée voir ce qui s’y passe. C’est le désert. Les parlementaires de droite sont planqués dans leur bureau ou au téléphone, en train de chercher des informations sur cette disparition inouïe. Ceux de gauche ne courent pas les couloirs ; le groupe de la Fédération de la gauche siège en permanence. Tous attendent d’y voir plus clair.
    Il est autour de 15 h 30 lorsque, du plus loin, nous voyons Jacques Chirac, le jeune ministre de Pompidou, promu

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