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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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négociateur de Grenelle, traverser à grandes enjambées la salle des Quatre-Colonnes et rejoindre la salle des Pas-Perdus où nous nous trouvons. Sous le choc de l’absence du général de Gaulle, nous l’interrogeons. Quelle est sa réaction ? Comment marchent les accords de Grenelle ? Qu’est-ce qui va se passer ?
    Il répond avec une incroyable sérénité que tout se passe très bien, que Georges Pompidou veille à tout, que tout va s’arranger puisque, de toute manière, c’est le Premier ministre qui a tout (quoi, tout  ?) en mains. Nous avons l’impression qu’il se fiche de nous tant il affiche d’optimisme dans un moment aussi tragique pour l’État.
    Il ne nous a parlé que quelques minutes. Nous restons sans voix, suffoqués par un tel calme et une telle confiance au milieu de la panique générale. Il ne manque pas de coffre, celui-là !
    Ce qui ajoute à cette scène le petit côté surréaliste qui lui manquait, c’est que nous avons appris ce matin que Daniel Cohn-Bendit venait, à lui tout seul, hier soir, de ridiculiser le gouvernement : après son expulsion, il est revenu en France clandestinement et a pris la parole à la Sorbonne. Quel pied de nez !
    Je suis encore remuée par ce qui s’est passé cet après-midi. Mitterrand, Guy Mollet, Gaston Defferre avaient rendez-vous avec Mendès France chez Georges Dayan, rue de Rivoli. Lorsque je suis arrivée en bas du domicile de Dayan, j’ai vu que beaucoup de journalistes, mis au courant, y étaient déjà. Je décide donc de monter directement au domicile de Dayan, où sa femme Irène, qui me connaît, me fait entrer. Ne sachant où me mettre, je choisis d’attendre sur un des canapés du salon. J’entends soudain la porte de l’appartement qui s’ouvre. Georges Dayan, qui les précède, fait entrer dans le vestibule François Mitterrand, Pierre Mendès France et Guy Mollet. Nuld’entre eux ne sait que je suis dans la pièce à côté. J’ai peur qu’ils ne fassent irruption dans le salon où je me trouve et, comme dans un vaudeville, je fonce et me dissimule derrière un canapé. Le malheur a voulu qu’ils soient tous entrés dans la pièce, qu’ils se soient installés sur le canapé et sur les fauteuils en face. Je mourais de trouille qu’ils me découvrent. Et puis, au bout de cinq minutes d’échanges sans importance dont je n’ai rien retenu, tellement j’étais affolée, ils ont changé de pièce pour accueillir deux ou trois autres participants.
    Au moment où je me relevais, plus morte que vive, Mitterrand est revenu dans le salon chercher son porte-documents qu’il avait oublié. Il a été stupéfait de me voir et a piqué une colère terrible, tout bas, parce que lui aussi, sans doute, avait peur que les autres n’entendent. Irène Dayan a voulu gentiment m’excuser, elle est venue dire que c’était sa faute. Mitterrand a quitté la pièce accablé par ma bêtise et mon imprudence. Effectivement, je pense à la tête qu’auraient faite Guy Mollet et Mendès s’ils m’avaient découverte dans cette position, aplatie derrière le canapé de velours !
    Le pire est que je n’ai rien retenu de ce qu’ils se sont dit : les choses sérieuses ont commencé dans l’autre pièce... Dommage !
    Et puis, la télévision l’a annoncé au journal de 20 heures : le Général est revenu à Colombey. Secret absolu sur ce qu’il a fait pendant la journée, entre 10 heures du matin et 18 heures. Réfléchi, peut-être, tout simplement ? Quelle incroyable mise en scène 24  !
    Le surprenant est qu’il soit revenu au moment où Pierre Mendès France (quittant le domicile de Dayan – voir plus haut) confiait à la presse, vers 21 heures, à l’Assemblée nationale, qu’il acceptait, le cas échéant, de conduire le gouvernement provisoire...

    30 mai
    De Gaulle a parlé aujourd’hui en milieu d’après-midi. Sans caméra : sans doute a-t-on pensé, à l’Élysée, que la voix du Général, dans le souvenir des Français, depuis les années 40, est plus impressionnante que son visage. Il ne se retirera pas, c’est le plus clair de son message. Il dissout l’Assemblée nationale, donnant ainsi raison à Pompidou qui trouvait – nous a dit Albin Chalandon il y a déjà quelques jours – l’idée du référendum suicidaire en ce moment, et en outre impossible à organiser matériellement 25 . À la place, donc, il y aura des élections législatives.
    Autant sa première intervention avait

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