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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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provocations.
    La manif a d’ailleurs dégénéré, la Bourse a été assiégée, elle a même brûlé en partie. Pour une fois, les « émeutes », les barricades n’étaient pas seulement au Quartier latin.

    28 mai
    Pas de notes quotidiennes, désormais. Pas le temps, tout va trop vite. J’écris ce mardi soir après une semaine vécue à toute allure, et surtout après la conférence de presse de Mitterrand, ce 28 au matin.
    Les négociations de Grenelle entre Pompidou et les syndicats ont commencé le 25 et se sont achevées le 27 au matin, mais la base a refusé l’accord parce qu’il n’allait pas assez loin. Incroyable camouflet pour Séguy. Et maintenant, qu’est-ce qu’on fait ? Je n’en sais rien.
    Un écho, celui de Guy Schoeller, grand ami, avec son frère Jacques, de Georges Pompidou qu’il connaît depuis longtemps. Il me raconte que, en dehors de leurs amis intimes, les Schoeller, les frères Gall, Jacqueline de Guitaut et Christian Bourgois, les Pompidou sont en ce moment le plus souvent seuls, le soir, à Matignon. Le téléphone est muet après les heures ouvrables ! Il me raconte que, la dernière fois qu’ils sont allés dîner chez les Pompidou, il y a quelques jours, Jacques Schoeller, le frère de Guy, une sorte de reporter-baroudeur, est arrivé en retard, à 21 h 30. Tout le monde l’attendait, y compris le Premier ministre. Jacques Schoeller a eu ce mot en guise d’excuse : « Pardonnez-moi, j’ai eu une journée épouvantable ! » Pompidou a éclaté de rire. Sa journée à lui, comment avait-elle été ?
    Le 27 à 18 heures, Mitterrand a été reçu au Parti communiste par Waldeck Rochet. Je ne sais pas ce qu’ils se sont dit, j’étais dans la rue àfaire la planque. Ce qui est sûr, c’est que les communistes ne peuvent pas reprocher à Mitterrand d’avoir remis en question son alliance avec le Parti communiste. Pourtant, me dit-on, ils ont été très irrités à l’idée que toute la gauche se soit réunie en leur absence à Château-Chinon, hier dimanche – où je n’étais pas : on ne peut pas être partout !
    Ce que me confirme au téléphone un peu plus tard Roland Leroy : il a été, lui, très choqué, inquiété même par la rencontre de Château-Chinon, mais Waldeck n’a pas trouvé ça de nature à faire douter de la volonté d’union de Mitterrand. Je pense donc que la discussion de cet après-midi entre PS et PC a levé le doute. Pour Leroy, en attendant, son idée est faite : il n’a aucune confiance en Mitterrand, il le considère comme un pur produit de la IV e  République et juge que son socialisme est de pacotille.
    Lorsque les socialistes sont sortis du carrefour Kossuth, en marchant au milieu de la rue, une voiture leur a foncé droit dessus pour les intimider et a évité Mitterrand au tout dernier moment.

    Ce matin, donc, conférence de presse de Mitterrand à l’Intercontinental. Je ne sais pas ce qui l’a décidé à la faire, cette conférence de presse : parce que je suis témoin du fait que, depuis le début de la semaine, à ceux qui l’entouraient et le pressaient de parler, il répondait qu’il ne « sentait » pas cette intervention. Il l’a faite parce que ses partenaires au sein de la Fédération, Guy Mollet en tête, et aussi ses amis, ses proches lieutenants, l’ont convaincu qu’il ne pouvait rester silencieux.
    Je pense aussi – c’est ma conviction – qu’il a brutalement ressenti le danger que faisait peser Mendès France sur ses épaules. Pourquoi Mendès ? Parce que Mendès est plus populaire que lui (ce n’est d’ailleurs pas difficile) auprès des jeunes. Et parce qu’il faut toujours en revenir là, lorsqu’on évoque les relations entre Mendès et Mitterrand : depuis l’affaire des fuites 22 , Mitterrand ne lui fait plusconfiance. Et même, je suis sûr qu’il a gardé une rancune inexprimée, mais tenace, envers le président du Conseil qu’était alors Mendès, qui avait couvert une enquête des « services » sur son ministre, sans l’en prévenir.
    Depuis quelques jours, une série de faits a inquiété Mitterrand, notamment les appels qui ont été lancés. C’est clair : il a pu craindre que Mendès, à la demande des centristes – Jean Lecanuet, Jacques Duhamel entre autres – qui ont la trouille, et du PSU, implanté chez les jeunes, finisse par être appelé au pouvoir, un homme providentiel en chassant un autre, PMF se substituant au Général vaincu

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