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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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pressent particulièrement dure.
    Car le PC a connu, connaît toujours (j’y reviens, parce que personne ne le dit) une crise sans précédent, la plus grave depuis la Libération. Il a craint les débordements gauchistes, il s’est battu sur tous les fronts pour éviter la contagion du virus chez ses jeunes militants. Il a même risqué de perdre ses intellectuels : voir la lettre envoyée par un certain nombre d’entre eux au comité central, dont j’ai appris l’existence aujourd’hui 26 .

    5 juin
    Je suis en voiture rue de Lille, ce matin, vers 9 heures, pour me rendre au siège de la FGDS, lorsque la radio annonce dans un flash spécial que Robert Kennedy vient d’être assassiné : une balle dans la tête pendant la réception qui a suivi sa victoire aux primaires du Parti démocrate en Californie. Il a été tué dans un couloir de l’hôtel Ambassador de Los Angeles, cinq ans après son frère. Il avait 38 ans.
    Tristesse face à cette tragédie. Tout se mêle dans mon esprit : le mois terrible que nous venons de vivre, l’assassinat de celui qui pouvait devenir le candidat démocrate à l’élection présidentielle américaine. J’ai au cœur indignation et dégoût devant la politique qui autorise ici, en France, la mauvaise foi et la mise en scène, et là-bas, en Amérique, le crime. Les événements de mai, du coup, me paraissent déjà lointains, presque infimes par rapport à ce meurtre, même s’ils n’ont rien à voir avec lui.
    En fin de matinée, nous apprenons que la gauche ira à la bataille en ordre dispersé. Aujourd’hui, le PC, qui a très mal pris, finalement, le recours de Mitterrand à Mendès France, le 28 mai, veut compter ses voix. Il refuse l’unité de candidature à gauche dès le premier tour. Pour le deuxième, on verra !
    Le PSU, qui a l’impression d’avoir le vent en poupe au sein de la gauche, avec Mendès et Rocard, est décidé à en découdre seul, dans l’espoir que des électeurs de la Fédération de la gauche reporteront leurs suffrages sur eux. C’est ce que me dit Michel Rocard aujourd’hui : « On ne peut être de plain-pied avec la révolte des étudiantsqu’à la condition de contester les vieux appareils. » Traduire : ceux de la Fédération et du PC.
    À l’intérieur de la Fédération de la gauche, la pagaille est complète, Mitterrand et les siens sont en réalité complètement isolés. Je pense à Guy Mollet, qui avait tant apprécié la conférence de presse de Mitterrand et qui est un des premiers à dire aujourd’hui qu’il a été maladroit et arrogant. Quant à Gaston Defferre, il fait mouvement vers les centristes pour éviter, dit-il 27 , « l’affrontement entre gaullistes et communistes ». Il pense pouvoir récupérer un jour les « hommes qui, à l’intérieur de la Fédération de la gauche, regardent aujourd’hui vers le centre ».
    Quand on pense que ce sont ces deux-là, entre autres, qui ont conseillé à Mitterrand de prendre la parole, le 28 mai, alors que lui-même hésitait à faire une conférence de presse !
    Il y aura, à ces élections, 450 candidats de la Fédération, 400 PSU, 480 communistes. C’est trop pour conquérir une majorité !
    Quant au centre et aux Républicains indépendants, qui n’ont rien fait pendant les événements, sinon rester prudemment à l’écart, critiquer de Gaulle et penser à Mendès, voire à Giscard lui-même, les voici qui revendiquent la majorité dans la future Assemblée. Au nom de quoi, grands dieux ?

    7 juin
    Tout cela est formidablement utilisé par de Gaulle dans l’interview qu’il est en train d’accorder à Michel Droit, son interviewer préféré. Droit lui a demandé pourquoi il avait quitté Paris le 29 mai. De Gaulle répond par une phrase assez simple que, oui, il avait eu le désir de se retirer. Qu’il était resté pour éviter que la subversion emporte la République 28 . Il dénonce longuement, à plusieurs reprises, « l’entreprise communiste totalitaire », responsable des grèves, des incendies et de la paralysie qui ont failli ruiner la France.
    Plus je l’écoute – ce que je suis en train de faire en ce moment –, plus je me dis qu’il cogne juste, qu’il touche son électorat au plusprofond : les gens ont eu peur, dans la France entière, ils se réjouissent aujourd’hui que le Général soit resté, qu’il reste pour ramener à la raison les jeunes étudiants, les ouvriers qui ont mis la France dans

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