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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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le référendum. Si le Général veut absolument faire un référendum, vous ne pouvez pas rester Premier ministre. Seul un renouvellement complet de l’Assemblée permettrait de reprendre la situation en main. »
    Pompidou a finalement été convaincu, et il a convaincu de Gaulle de la nécessité immédiate des législatives. Ce qui n’a pas empêché le Général de garder l’idée d’un référendum pour plus tard.
    Frey confirme donc tout ce que mes interlocuteurs précédents m’ont dit : le référendum de 1969 était bien, dans l’esprit du Général, la reprise du référendum manqué de 1968.
    En juin 1968, Frey rencontre le Général. Dialogue :
    Roger Frey : « Les élections seront une preuve éclatante que les Français vous font confiance. »
    Le Général : « On verra ça quand je ferai mon référendum ! »
    Façon de dire que des élections législatives ne pourraient être la source d’une nouvelle légitimité. Seule une consultation référendaire serait de nature à le « re-légitimer ».

    Quant aux relations entre de Gaulle et Pompidou, Frey fait remonter plus haut les problèmes entre les deux hommes : « Depuis 1965, en fait, il y avait entre eux un certain agacement mutuel. Au cours des réunions restreintes, par exemple, j’entendais Georges grognasser. Au fond, je pensais qu’il est de toute manière difficile de rester Premier ministre troplongtemps. J’ai regretté qu’ils se séparent, mais je n’ai pas trouvé cela anormal. »
    Il confirme l’importance de l’affaire Markovic pour Georges Pompidou, que cela a « ulcéré, dégoûté ».
    Il me raconte aussi que, après le discours de Quimper en février 1969, il a rencontré le Général. Dialogue entre les deux hommes :
    De Gaulle : « Que pensez-vous du référendum ?
    Frey : Mon Général, vous savez ce que j’en pense. Il s’agit d’un texte très difficile, peu compréhensible par les Français.
    De Gaulle : Dans ce cas, nous avons perdu !
    Frey : Je parierais en effet plus sur la défaite que sur la victoire.
    De Gaulle : Croyez-vous que nous puissions le reporter ? »
    Roger Frey se dit alors que c’est à sa connaissance la première fois que de Gaulle capitule en rase campagne.
    « Donnez-moi quelques instants pour vous répondre », demande-t-il.
    De Gaulle : « Non, je veux une réponse tout de suite. Réfléchissez quelques instants, si vous voulez, pendant que je parcours Le Monde . »
    Frey a deux minutes pour réfléchir. Il se demande s’il vaut mieux reculer, ce qui serait une perte de prestige pour le Général, ou livrer un grand combat, quitte à le perdre.
    Il reprend la parole :
    Frey : « Je crois que vous ne pouvez plus reculer.
    De Gaulle , avec un sourire : C’est la réponse que j’attendais de vous, mon vieux Frey ! »

    7 décembre 1978
    Je rencontre aujourd’hui Pierre Bordry dans le bureau qu’il continue d’occuper auprès du président du Sénat.
    Il est toujours drôle d’entendre la version du camp adverse. C’est un grand plaisir, le plus grand peut-être, qu’on puisse éprouver en faisant ce métier.
    Pierre Bordry, conseiller d’Alain Poher, président du Sénat en 1969, reprend lui aussi ses notes. Il a une vision très précise de la campagne du référendum.
    « Au début, me raconte-t-il, en octobre 1968, de très nombreux sénateurs pensaient que le Sénat perdrait dans un affrontement direct avec le Général. C’est pour cette raison qu’une majorité a porté à ce moment-là Alain Poher à la présidence du Sénat : parce qu’ils pensaient qu’il pourraitêtre plus habile avec le général de Gaulle que ne l’aurait été Lecanuet, par exemple.
    « D’ailleurs, dès son élection, Poher, appuyé par les présidents de groupes au Sénat, a affiché son intention de renouer le dialogue avec le Général. Couve, Frey et Giscard lui conseillaient de le faire. Il a rencontré le Général et a plaidé la cause du Sénat. De Gaulle l’a écouté sans changer d’avis.
    « La campagne des opposants s’est donc organisée dès l’automne, sans qu’on sache encore qu’il y aurait un référendum, ni à quelle date. Tous les sénateurs s’y sont mis, en organisant des permanences dans chaque mairie pour défendre le Sénat. Nous avons constitué de gros groupes de pression pluralistes, du PC à l’UDR même. La mobilisation a été totale après le discours du Général à Quimper.
    « La chance a voulu,

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