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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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m’explique-t-il, qu’au lendemain du discours de Quimper, Poher soit l’invité de l’émission politique de Michel Droit à la télévision. Poher est alors peu connu en France, il a néanmoins une grande technique parlementaire. Et il a un coup de génie lorsqu’il adjure le général de Gaulle de ne pas se retirer en cas de victoire du “non” au référendum, sur le mode : Restez, le Sénat ne vous en voudra pas ! Il a su donner une image non agressive du Sénat, ce qui a été capital. »
    La mobilisation du Sénat et des sénateurs a été totale : les brochures distribuées à des centaines de milliers d’exemplaires, les déplacements des uns et des autres, les locations de salles et de chapiteaux, tout cela était financé sur les fonds du Sénat.
    La journée du 27 avril a été évidemment une grande journée pour les sénateurs. Alain Poher ne pensait pas, me dit Pierre Bordry (sans me convaincre), que le « non » allait l’emporter. Il a calmé les ardeurs de Lecanuet et de Pierre Abelin, qui, dans la soirée, commençaient, sans attendre les résultats définitifs, à « canarder » de Gaulle.
    « Ce n’est pas le moment, leur a-t-il dit, il faut que l’État continue. »
    « Lorsque, continue Bordry, la soirée électorale à la télévision touchant à son terme, les premiers noms de candidats à l’Élysée ont commencé de circuler – personne ne mettant en doute, dans le cas d’un échec, le retrait du Général –, Poher a eu l’occasion de démentir sa candidature, avancée à son insu par Guy Mollet à un moment donné de la soirée. Pour lui, sa seule préoccupation était de se préparer à assurer l’intérim de la présidence de la République. »
    **

    28 avril 1969
    53 % des Français, hier, ont dit non à de Gaulle en toute connaissance de cause : ils savaient que le Général allait mettre sa menace à exécution. Ils ne pensaient peut-être pas qu’il le ferait le soir même 17 .
    Personne n’a bougé dans la nuit du 27 avril. Personne ou à peu près : quelques gauchistes ont manifesté bruyamment, au cours d’une petite manif, en se félicitant de « la fin de De Gaulle ». Couve a avoué sa tristesse à la télévision vers 23 heures, mais il n’y a eu de manifestation d’aucune sorte, organisée ou spontanée, des gaullistes battus. Bien sûr, à la télé et sur les radios, les hommes politiques présents sur les plateaux ont avancé deux noms, deux candidatures possibles : celle de Pompidou et celle du vainqueur du « non », Alain Poher.
    Pourtant, je n’oublierai jamais mon désarroi, ce matin. J’avais l’impression, confusément, que la vie, dans la rue, pouvait s’arrêter, puisque de Gaulle n’était plus là. Je me demandais si les Parisiens allaient sortir pour se lamenter publiquement du sort qu’ils avaient eux-mêmes réservé à de Gaulle, s’ils n’allaient pas avoir peur du vide créé par son départ. Je craignais je ne sais quoi, je me le demande encore ce soir : un sanglot général, une panique à l’idée que la V e  République, désormais, n’ait plus son chef historique à sa tête ?
    Cela fait des années qu’à L’Express et ailleurs je suis entourée de gens qui combattent de Gaulle. Moi-même suis loin d’avoir cédé aux sirènes gaullistes. Pourquoi, alors, cette impression que rien ne sera plus jamais comme avant ? Il faut dire que de Gaulle et les gaullistes sont au pouvoir depuis que j’ai l’âge de vingt ans. Je n’ai rien connu de la IV e  République, hormis, quand j’avais dix-huit ans, les manifestations massives contre la guerre d’Algérie. J’ai toujours vu de Gaulle au pouvoir. L’idée qu’il ne le soit plus me bouleverse.
    « Comment allons-nous faire sans lui ? » me disais-je en remontant dans mon Austin les Champs-Élysées vers le siège du journal. Curieuse réaction pour quelqu’un qui a voté « non » !
    Et puis je suis arrivée à L’Express . Jean-Jacques Servan-Schreiber, rayonnant, est passé nous voir quelques minutes. Il a écrit un édito dans le journal qui nous a coupé le souffle, énumérant toutes lesraisons qu’il avait de se réjouir du départ du Général. Il est fier des Français qui ont osé dire « non ».
    Il est vrai, nous rappelle Françoise Giroud, qu’il avait été le premier, dans les années 60, à écrire un article intitulé « Faut-il tuer de Gaulle 18  ? ».
    Il reste que, dans la discussion générale qui

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