Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
Vom Netzwerk:
l’histoire de France serait terminé, mais nous avons espoir ! »

    29 novembre 1978
    Les gens pensent que Raymond Marcellin est un ministre de l’Intérieur très austère, vêtu de bleu marine, costume strict et cravate classique rayée (on croit qu’il porte toujours la même, en réalité il en possède plusieurs identiques). Il s’exprime sans détours, avec des mots rudes, une vraie distance par rapport à de Gaulle. Comparé aux gens que je viens de voir – Jeanneney, Guéna, Guichard et même Chirac –, son ton est franchement différent. Il ne se sent pas, ne s’est jamais senti de la famille gaulliste. Il est Républicain indépendant, et cela s’entend.
    C’est sur l’affaire Markovic qu’il revient, lui. Il est formel : Georges Pompidou a pensé, en 1965, qu’il pouvait se présenter à l’élection présidentielle si le Général n’était pas candidat. D’ailleurs, il fut l’un de ceux qui ont conseillé au Général de ne pas se présenter.
    « Entre nous, sourit Marcellin, il avait peut-être raison : deux septennats, en France, c’est trop. Le conseil n’était pas mauvais. »
    Il est incontestable, selon Marcellin, que le Général a rendu Pompidou responsable de la défaillance du maintien de l’ordre en Mai. « On ne comprend rien au départ du général de Gaulle à Baden-Baden chez Massu si l’on n’a pas cette dimension en tête », glisse-t-il.
    Il ajoute : « De Gaulle me l’a dit en ces termes après la reprise de l’Odéon par Maurice Grimaud : “C’est un incapable, il ne faut pas lui rendre compte.” »
    D’ailleurs, au premier Conseil des ministres qui s’est tenu après son départ, le Général a exprimé une très forte animosité envers Pompidou. (Le mot animosité, précise Marcellin, est « faible »...) « Là-dessus, reprend-il, est arrivée l’affaire Markovic... »
    La suite de ces notes est le compte rendu scrupuleux des propos qu’il me tient. Je reproduis ses propos avec attention, sachant à quel point cette affaire a été importante pour Pompidou, qu’elle a changé son comportement, sa vision des hommes, de ses « amis » politiques surtout, du général de Gaulle certainement, et aussi celle des journalistes :
    « Il est certain que lorsque l’affaire a éclaté et que le bruit a été répandu en septembre-octobre 1968 que les Pompidou connaissaient Alain Delon, et que certains journalistes, dont ceux du Figaro , se sont mis à parler d’un “ancien ministre qui avait des relations avec les Delon”, l’équipe deGeorges Pompidou a tout de suite perçu le danger. Mais lui-même n’a alors connaissance de rien de ce qui se dit autour de lui.
    « Là-dessus arrive dans le dossier, avant la Toussaint, le témoignage d’un Yougoslave en prison, un certain Akov, qui met en cause madame Pompidou, puis se rétracte. Il n’empêche, la rumeur court Paris...
    « Le jeudi précédant la Toussaint, après une conversation avec Pierre Somvielle 16 , mon directeur de cabinet, nous prenons la décision de prévenir Georges Pompidou. Mais il est en vacances avec sa femme et nous décidons d’attendre le lundi. Couve de Murville me fait alors savoir qu’il va le prévenir lui-même. Je ne bouge donc pas. Au Conseil des ministres qui suit, le mercredi, Couve me dit qu’il ne l’a pas fait. »
    C’est alors que Marcellin se fâche, me confie-t-il, et qu’il envoie Somvielle voir Georges Pompidou, le jeudi. Celui-ci rencontre l’ancien Premier ministre, mais trop tard : un quart d’heure avant, un des conseillers les plus proches de Georges Pompidou, Jean-Luc Javal, a pris courageusement sur lui de parler à son patron des horreurs qui courent Paris sur son compte et sur celui de madame Pompidou.
    En proie à une « sacrée colère », me dit Marcellin, Georges Pompidou en conservera l’idée que le gouvernement n’a pas pu ou pas voulu l’alerter à temps, et qu’il a volontairement laissé se développer la rumeur.
    Marcellin conclut : « Il n’était pas convenable de renvoyer Pompidou en mai 1968, il était moche de le foutre à la porte. Ce renvoi a été, à mon sens, beaucoup plus important que l’affaire Markovic dans sa détermination de devenir président de la République après le général de Gaulle. Renvoyer Pompidou, c’était une méga-connerie ! Quand on fait partir des Premiers ministres dans des conditions qui nuisent sérieusement à leur carrière, ils s’en

Weitere Kostenlose Bücher