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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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fait la course en tête, en candidatnaturel : il est en piste depuis longtemps. Il a été Premier ministre et a assuré la continuité de l’État en 1968. En dehors des quelques gaullistes de gauche comme l’éternel Capitant 31 , il bénéficie du concours de la presque totalité des gaullistes (ceux qui lui reprochaient d’avoir précipité le départ de De Gaulle se sont tus), auxquels s’est joint Valéry Giscard d’Estaing, le « cactus » du Général.
    La seconde est que Poher a visiblement de la peine à endosser le costume, trop grand pour lui, de président de la V e  République. Il se décrit lui-même comme un président de la IV e , comme un René Coty ou un Vincent Auriol. Après de Gaulle, sa conception paraît étriquée et, en tout cas, rétrograde. La coalition politique autour de lui paraît fragile et hétéroclite. Et puis, pouvait-il assurer l’intérim et critiquer le régime dont il était – temporairement, certes – le gardien ?

    1 er  juin, au-delà de minuit
    Pompidou en tête, Poher derrière, largement, avec 20 points de moins. Duclos fait une percée formidable, talonnant Poher qui s’est effondré. Pendant un moment, entre 20 et 21 heures, le match a été si serré entre eux deux que nous avons pensé, au journal, que Duclos pourrait arriver en numéro 2, derrière Pompidou. Moins de deux points d’écart seulement entre le président de la République intérimaire, vainqueur du référendum d’avril, et le vieux dirigeant communiste, revenu de bien des batailles ! Pour Poher, c’est une claque ; pour Duclos, une semi-victoire.
    Le tandem Defferre-Mendès obtient 5,01 % des voix. 5,01 % !
    Quel échec ! Un échec que les sondages n’avaient pas du tout prévu, puisque, la veille encore, il obtenait 9 % des voix.
    Quittant L’Express vers 21 heures, le numéro attendant les résultats et les premières réactions pour le bouclage définitif, je me rends au QG de Gaston Defferre. Des journalistes attendent à la porte, j’entre néanmoins et parviens jusqu’au bureau, où, de façon surprenante, il est seul. Il commence à me faire part de ses sentiments lorsque Pierre Mauroy pénètre dans la pièce.
    Celui-ci est surpris de ne voir autour de Defferre ni élu, ni responsable socialiste. Arrivent cependant, tout de suite après lui, PierreBérégovoy, porteur d’un message de sympathie de PMF, puis Roger Quilliot 32 . Defferre trouve les mots pour plaisanter dans une atmosphère lugubre dont je garderai longtemps le souvenir. Je suis tellement gênée d’être là, dans les coulisses de la tragédie, en quelque sorte, que, trouvant une cafetière dans le local du secrétariat, je cache mon embarras en faisant du café.
    Je rappelle à Mauroy que nous, journalistes, attendons une déclaration. Defferre ne veut d’abord rien entendre, mais finit par céder. Il ouvre sa porte, demande aux journalistes de monter, et, gardant un calme inouï, leur lâche cette métaphore marine, colorée d’une pointe d’accent méridional : « La politique, c’est comme une course en mer, un jour on gagne, un jour on perd. Aujourd’hui, je perds. »
    Mauroy et moi, nous nous regardons, atterrés. En voilà, un commentaire !

    2 juin
    Juste deux mots sur la façon dont les choses se sont passées ailleurs, hier.
    Fort bien, évidemment, à l’état-major de Pompidou. L’analyse formulée y est simple : Poher n’a pas de voix de réserve à gauche, puisque Defferre s’est effondré. Les communistes ne voteront sans doute pas pour lui, atlantiste et pro-européen. La victoire est dans la poche. Mieux vaudrait tout de même, pour plus de certitude, que Poher se retire avant le deuxième tour. Comme cela, plaident les bons apôtres pompidoliens, il ne risquerait pas de recueillir, même par inadvertance, des voix communistes.
    La déception d’Alain Poher est grande mais discrète. Moins que chez ceux qui l’ont soutenu et qui, toute la soirée, ont fait le compte des villes dans lesquelles Pompidou est arrivé devant Poher et dans lesquelles, désormais, ils sont eux-mêmes menacés.
    Toujours est-il que, dans la nuit du 1 er au 2 juin, lorsque Pompidou lui a proposé de se retirer, Poher a dit non.
    Au Parti communiste, on a donc cru un moment que Duclos serait en deuxième position. On a tout de même savouré les 23 % finalement obtenus par le candidat communiste. Que le PC ait devancélargement le PS est, pour Waldeck et son équipe, une sorte de

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