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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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renouveau du PC.
    Defferre et Jean-Jacques Servan-Schreiber ne jugent pas dangereux le candidat communiste. Ils n’en ont nullement peur, même si les conventionnels viennent de faire savoir qu’ils ne soutiendront pas Defferre.
    Le dimanche 4 dans la nuit, Claude Estier et Charles Hernu ont rencontré Pierre Mauroy et Claude Fuzier chez une amie de longue date de Mitterrand, l’écrivain Françoise Mallet-Jorris, prix Fémina 1958. La tentative de conciliation a échoué. À 22 heures, ce dimanche, Gaston Defferre sait que Mitterrand ne fera rien pour l’aider.
    Rien, effectivement : il y a à peine quelques heures, à 20 heures, Mitterrand est apparu à la télévision, deux minutes lui ayant été gracieusement octroyées par l’ORTF. Pour quoi faire ? Pour prendre date, d’après ce que j’ai entendu. Il regrette l’absence d’un candidat unique de la gauche et appelle pour plus tard à sa réconciliation. On imagine sa frustration. Sa colère, aussi.

    6 mai
    Je rencontre Jacques Duclos, que je n’ai jamais vu auparavant, même de loin, à la sortie des comités centraux ou des bureaux politiques du PC. Il est naturel avec moi, plutôt drôle avec cet accent savoureux, cet air de rouler sur lui-même. « Nous n’étalerons pas de tapis rouge sous les pas du leader de la gauche non communiste. Ce serait trop simple ! »
    « Ce serait trop simple ! » me dit-il une seconde fois en me raccompagnant à sa porte.

    10 mai
    Le général de Gaulle est parti en Irlande. On dit autour de moi, à L’Express , que c’est un coup dur pour Pompidou. Je n’en suis pas si sûre : je ne vois pas en quoi un chef d’État spectaculairement battu aurait en mains les atouts pour faire gagner un de ses anciens Premiers ministres. Au contraire, le départ du Général donne de l’air à Pompidou.

    12 mai
    À 17 heures, annonce de la candidature, dont personne ne doutait plus, d’Alain Poher à la présidence de la République. Il a donc beaucoup hésité. Ce qui l’a déterminé – version officielle –, c’est un argument de Pierre Sudreau 26 . Celui-ci lui a dit que, ayant été pendant la campagne référendaire le porte-parole de tous les maires et sénateurs du pays, il ne peut se permettre de les laisser tomber et de laisser Pompidou faire, après celle du Sénat, une réforme municipale.
    Version plus officieuse : celle que nous racontent ceux des journalistes qui ont vu, jeudi matin 8 mai, Pierre Weill, le directeur de la Sofres, accompagné d’Alain Lancelot 27 , débarquer dans le bureau d’Alain Poher. Sous leur bras, les premiers sondages réalisés sur leschances de Poher face à Pompidou en cas d’élection. Ils sont encourageants : 35 % des Français sont prêts à voter pour Poher, 42 % pour Pompidou. L’affaire est jouable. Poher peut être candidat. Il l’est officiellement aujourd’hui.

    21 mai
    Rendez-vous en fin d’après-midi avec Gaston Defferre dans son bureau Directoire de la rue Caumartin, au siège de l’Agence centrale de presse, devenue son PC de campagne. En dehors d’Hélène de Percin, son assistante depuis vingt-deux ans, les bureaux sont déserts. Épuisé par trois jours d’enregistrement pour la campagne télévisée officielle 28 (qui se déroulent dans un climat d’une hostilité inouïe manifestée aux candidats de gauche et à leurs équipes par l’état-major de l’ORTF), il est de surcroît abattu par les chiffres des premiers sondages qui lui ont été communiqués très tôt ce matin. Poher et Pompidou le devancent, mais aussi, à gauche, Jacques Duclos !
    Du coup, il n’oppose pas grande résistance à mes questions. Oui, il aimerait que Pompidou soit battu, même par quelqu’un d’autre que lui. Oui, il préférerait devancer Duclos et donner de la gauche une image plus moderne. Oui, c’est difficile, mais il fera front.
    Ce qu’il ne comprend pas, c’est que le tandem qu’il a institué à la télévision avec Pierre Mendès France devrait, à ses yeux, gagner des points sur Poher : Mendès est toujours très populaire en France, ce qu’il dit à la télévision est intéressant, séduisant même. Pourquoi les sondages ne remonteraient-ils pas ?
    Ce dont il ne se rend absolument pas compte – et il est inutile de lui parler de cela ce soir, c’est trop tard –, c’est que l’élection présidentielle est une élection personnelle. Le tandem Defferre-Mendès est en réalité meurtrier. On vote pour un homme,

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