Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986
sur les différences ou les ressemblances entre Jacques Chirac et Valéry Giscard d'Estaing.
« Au fond, me dit-il, les deux hommes se ressemblent. Ils sont dévorés l'un et l'autre par la même ambition. Leur démarche est identique : il y a un agité qui s'agite, et un agité contenu. Mais lequel des deux, en réalité, est le plus agité ? Leur personnalité, en revanche, est différente : je vois d'un côté un homme peu raffiné, peu réfléchi, qui vit dans le quotidien, et, de l'autre, tout le contraire. » Il en conclut que le tête-à-tête entre les deux hommes est impossible. « Lorsqu'ils se rencontrent, dit-il, ils ne vont jamais au fond des choses. »
Et comment les députés RPR voient-ils les choses, eux ? « La famille gaulliste existe, personne n'a vraiment envie d'en sortir, personne n'a envie d'aller adhérer au groupe UDF. Giscard a perdu des occasions, il ne sait pas faire la cour aux gaullistes, il est comme un homme qui est assis sur un divan à côté d'une femme sans oser aller plus loin. »
Pourquoi Giscard n'a-t-il pas réussi dans sa conquête des gaullistes ? « Il aurait fallu une action personnelle, souligne Labbé ; qu'il abandonne une large partie de son entourage antigaulliste, donc qu'il choisisse contre ses propres amis. »
Le débat européen, évidemment, n'arrange rien : la controverse européenne a de tout temps divisé la France ; le scrutin à la proportionnelle a toujours suscité l'opposition des gaullistes. Les deux à la fois, ça fait beaucoup !
26 avril
Dans l'après-midi, première dépêche de l'AFP à 17 h 53 : Étienne Pinte, ex-suppléant RPR d'Alain Peyrefitte en Seine-et-Marne et député des Yvelines, démissionne de la commission exécutive du RPR. Il regrette « l'absence de débat démocratique au sein du mouvement ».
18 h 34 : Michel Cointat, RPR, ancien ministre de l'Agriculture, lance un appel aux députés de son groupe pour leur demander de signer avec lui « une déclaration commune des gaullistes pour une Europe des réalités ». On apprend au même moment qu'un jeune député de Seine-Maritime, Antoine Rufenacht, proche d'Olivier Guichard, a fait signer par un groupe de députés un texte qui met solennellement en garde Jacques Chirac contre une issue catastrophique pour le RPR aux élections européennes.
Claude Labbé ne m'avait pas dit hier que les choses étaient aussi graves au sein de son groupe parlementaire. L'avait-il prévu, ne voulait-il pas me faire de révélations ? En tout cas, aujourd'hui, l'affaire est sur la place publique : l'offensive est coordonnée, un peu sur le mode de ce qu'avait fait Chirac en 1974 avec l'« appel des 43 ». Il s'agit d'amener une partie des parlementaires gaullistes dans une même opposition au chef de leur parti.
L'offensive de Chirac contre Giscard est sans doute allée trop loin puisqu'elle est parvenue à diviser le mouvement gaulliste au moment même où Jacques Chirac a le plus besoin de son unité.
3 mai
Revu François Mitterrand. Je l'ai retrouvé tel qu'en lui-même, après Metz : manteau gris et galure à la Blum, détaché (ou feignant de l'être) du Parti et des siens. Mauroy ? Il n'a pas vraiment compris ce qui avait pu lui mettre dans la tête qu'il ne serait pas son dauphin. « Il l'était, tout naturellement ! » Pour Rocard, aucun doute : le problème est qu'il est vraiment sur une autre ligne, incompatible avec la sienne.
Mitterrand nonchalant et pressé, serein et insolent, ironique et sévère, feignant le dilettantisme après avoir été, à Metz, tout à sa proie attaché.
Sur les faits et les opinions :
1. Il persiste à croire que la logique de Chirac l'amènera tôt ou tard à rompre avec Giscard : « S'il ne l'abat pas, c'est Giscard qui l'abattra. »
2. Sur le Parti communiste : « Il commence, me dit-il, à y avoir un cas Marchais. »
3. Sur sa candidature à la présidentielle : « Ne croyez pas que j'aie envie d'y aller. J'ai fait 49,5 % des voix au deuxième tour de 1974, je n'ai pas envie de faire moins.
– Certes, mais je vous connais, lui dis-je, vous attendrez jusqu'au dernier moment. Et, à ce moment-là, vous vous présenterez. De toute façon, vous me l'avez assez souvent dit, il n'y a pas de bonnes élections. »
Il ne dément pas : « Tout de même, ajoute-t-il après un silence, je vais faire attention. »
4. Sur la Russie soviétique : elle va se rapprocher de l'Europe, parce qu'elle
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