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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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aujourd'hui leurs rendez-vous clandestins pendant les semaines qui ont précédé le congrès de Metz. Leurs rencontres avaient lieu dans un bistrot du boulevard Saint-Germain, Les Marronniers. À tel point qu'avant-hier, quand Mauroy y est entré seul pour boire un café, le patron l'a intercepté et lui a dit : « Ah, Monsieur Mauroy, vous voilà ; mais M. Rocard n'est pas encore arrivé ! »
    Il ne sait pas où veut aller Mitterrand. Une chose est certaine : lui, Mauroy, est aujourd'hui l'objet de convoitises. Pourquoi ? Il ne se fait pas d'illusions : parce que Mitterrand a besoin de lui pour être le candidat unique du Parti socialiste à défaut d'être le candidat unique de la gauche. Car personne ne peut plus croire aujourd'hui à l'existence d'un contrat passé avec les communistes dans la perspective d'un gouvernement, quel qu'il soit.

    8 mai
    Déjeuner avec Simone Veil. Il y a là Alain Duhamel, Jean-François Kahn, Josette Alia. Elle est bien meilleure en privé qu'en public, parce qu'elle a une présence inouïe, une densité, une vie qui imposent le respect. Elle est directe, sans détour. C'est ainsi qu'elle m'apparaît, et c'est ainsi qu'elle nous parle.
    Elle est sûre que la querelle de l'avortement, dont on reparle en ce moment, la part qu'elle a prise au vote de la loi sur l'interruption volontaire de grossesse, tout cela a été réanimé à dessein par Chirac dans la perspective de la campagne des européennes. Elle ne croit pas un seul instant aux idées de Michel Debré sur la démographie. Plus directe encore, elle nous dit qu'elle ne sait pas si le soutien affiché par Raymond Barre à sa liste l'aide – parce que les Français, dit-elle, sont légitimistes et apprécient la position prise en sa faveur par le Premier ministre – ou bien s'il l'enfonce – parce que sa politique économique, dit-elle, est rejetée par l'opinion.
    Elle me paraît tout à fait incertaine sur ce dernier point. Moi aussi.

    9 mai
    XXIII e  Congrès du Parti communiste à Saint-Ouen. La salle est tendue de jaune, d'orange et de rouge, et l'on sait dès l'ouverture qu'il n'y aura pas de fausses notes. Peu ou prou, la contestation a été éradiquée dans les semaines qui ont précédé le congrès.
    Au demeurant, m'a raconté hier un expert du PC, Yannick Blanc, il y a eu trois générations de contestataires : ceux de la première génération ont rédigé et fait circuler la première pétition sur la démocratie interne au Parti ; les seconds, comme Molina, Vargas, Elleinstein, ont mis en cause la ligne du Parti ; les troisièmes, enfin, ont posé le problème des rapports avec la social-démocratie et du bilan effectif du Parti communiste.
    La mécanique du PC a fini par l'emporter : les contestataires pensaient qu'ils allaient pouvoir s'exprimer au congrès. Cela leur a été refusé. C'est simple : pour être délégué au XXIII e  Congrès, il faut d'abord être désigné par sa cellule, laquelle nomme ses représentants au comité de section, lequel envoie les siens au comité fédéral, lequel désigne enfin au congrès les rescapés de cette course de haies d'un genre particulier. Ce quadruple barrage a eu raison des plus forts ou des plus naïfs. Absents du congrès, donc : Labica, Elleinstein, Christine Buci-Glucksmann.
    Le congrès commence. À 9 h 45, Georges Marchais prononce son discours dans une sérénité qu'il sait ne pas devoir être troublée par la contestation : 155 petits feuillets, l'équivalent de 70 grandes pages, posés devant lui, qu'il lit feuille à feuille dans le recueillement général. Il parle d'abord de la crise nationale pour se lancer assez vite, arrivé au premier quart de son discours, page 29, dans une charge contre François Mitterrand. Celui-ci a changé, affirme-t-il, depuis le congrès de Metz, ce n'est plus le même.
    Pendant qu'il parle, Roland Leroy l'écoute dans une attitude qui est souvent la sienne : menton appuyé sur son poing, l'œil perçant scrutant la salle. Visage tourné vers Marchais, Paul Laurent est le plus attentif, Fiterman paraît assez remuant et Plissonnier a la bougeotte. Georges Séguy 24 , à côté de Charles Fiterman, est en manches de chemise alors que tous les autres portent costume et cravate : façon de rester le syndicaliste de la bande.
    Marchais parle impérialisme, atlantisme, guerre idéologique. Il essaie de renvoyer dos à dos les Chinois et les Russes, aucun n'ayant compris les autres. Il

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