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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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navré (quelle sollicitude !) de voir que « la principale formation de la majorité organise elle-même son naufrage ». Et de brandir une nouvelle fois la menace de la dissolution.
    Depuis que Jacques Chirac a quitté le gouvernement, nous sommes sans doute dans la phase la plus dure de l'affrontement entre les deux composantes de la majorité. Quand j'écris « de la majorité », je me trompe : il n'y a plus guère de majorité aujourd'hui !
    Je ne sais pas où va Giscard, mais compte-t-il se faire réélire sans le RPR ? Il est le seul à pouvoir faire un geste pour le sauver, s'il est encore sauvable. Raymond Barre me semble trop profondément exaspéré, trop blessé dans son ego de professeur d'économie pour pouvoir changer d'attitude.

    20 décembre
    Nouveau débat sur une motion de censure déposée par les communistes sur la sécurité européenne et le désarmement 61 . Quelques incidents de séance révèlent le tempérament combatif et médiatique de Georges Marchais qu'un député UDF interrompt en hurlant, alors qu'il est à la tribune : « Le téléphone rouge, à quoi ça sert ? » Marchais s'arrête, jette un coup d'œil circulaire sur l'hémicycle et reprend : « Elle est riche de la misère des travailleurs, cette droite, mais pauvre en arguments politiques ! »
    Par-delà ces anecdotes de séance 62 , la position de Marchais est nette : il s'est jeté à fond dans la bataille des euromissiles aux côtés de l'URSS.
    Après lui, Mitterrand se lance dans un discours-fleuve sur le désarmement. Ses arguments : la France dispose d'une force atomique autonome, elle a des relations suivies avec l'URSS, elle refuse le réarmement allemand, elle est dans l'Alliance atlantique, elle n'est pas dans son organisation militaire intégrée : s'il y a un consentement général, c'est bien dans ce domaine. Pas question de le remettre en cause ! Le PS ne votera pas la censure avec les communistes, parce que ce serait « faire de la surenchère sur les positions de l'URSS », parce que ce serait se « livrer à une médiocre opération de politique intérieure, alors qu'il s'agit de la paix ». Bref, tout cela pour dire qu'il ne censurera pas le gouvernement sur la mise en place des Pershing à laquelle, au surplus, le gouvernement français ne peut pas grand-chose...
    Une motion de censure pour révéler les failles à l'intérieur de la majorité, une autre pour accroître les divergences entre communistes et socialistes : de cette session parlementaire il ne reste que des décombres !

    24 décembre au soir
    Le Conseil constitutionnel a choisi le réveillon pour faire connaître sa position sur le budget : il annule les débats budgétaires. Cent heures passées à plaider sur 343 amendements, deux engagements de la responsabilité du gouvernement, 58 séances de jour et de nuit à l'Assemblée nationale, tout cela aux oubliettes ! Le Conseil a rendu un jugement sans appel : la procédure à l'issue de laquelle le budget de 1980 a été considéré comme adopté n'est pas constitutionnelle 63 .
    J'ai Roger Frey, président du Conseil constitutionnel, au téléphone immédiatement après. Tour à tour acide et sucré, il me dit après bien des circonlocutions qu'il a été voir Giscard, le 24 octobre, en lui exposant les doutes qu'il avait sur la conformité du projet de loi, après le rejet de l'article 25. « Le chef de l'État, me dit-il, a paru plus soucieux que son Premier ministre. Je me suis personnellement inquiété de la mauvaise interprétation donnée, au départ, de l'article 40. J'ai vu avec plaisir que le Président était dans les mêmes dispositions que moi, c'est-à-dire qu'il était réservé. Je lui ai dit que je ne trouvais pas la procédure régulière. Je crois même avoir dit, depuis ce moment, à tous ceux qui pouvaient l'entendre, que la procédure choisie était sujette à caution... »
    Qu'en termes galants...
    Il conclut sur Barre et Giscard : « J'ai passé des jours très désagréables. Je voyais ce qui allait se passer, j'ai essayé de faire ce que je pouvais, mais le Premier ministre était sûr de lui. Il avait une opinion à laquelle il avait réfléchi, et il l'a maintenue ! »
    À propos de Chirac qui craint que tout cela ne soit qu'une entourloupe aboutissant à une dissolution : « C'est tordu, surtout quand on sait quel goût j'ai pour les dissolutions ! »
    Je demande si, à son sens, il y a aujourd'hui sur ce point

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