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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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entretient avec Raymond Barre. Au Conseil des ministres du 2 janvier, Giscard a eu une petite phrase qui en dit long. Après avoir évoqué les mesures forcément impopulaires qu'entraînera l'augmentation du prix du pétrole, il a eu cette phrase : « Le gouvernement doit montrer qu'il a raison, non contre les Français, mais avec les Français. » Preuve qu'il mesure tout à fait les qualités de Barre – puisqu'il le garde –, mais aussi ses défauts.

    François Mitterrand a passé la journée du 3 janvier chez Maurice Faure à Saint-Pierre-de-Chignac, en Dordogne. Il s'agit d'un petit village sans caractère, unique ou presque par sa banalité, dans une région de châteaux et de belles demeures. Élu du Lot, Maurice Faure passe une partie de ses week-ends dans la circonscription voisine où il possède cette maison tout en longueur : il faut imaginer Faure et Mitterrand en train de se faire des confidences et de concocter des plans autour de la cheminée. Toute la matinée, ils ont marché dans la campagne gelée, regardant les vaches et les veaux, les forêts et les rivières, avant de se réchauffer autour du feu en mangeant omelette aux truffes et foie gras. Ils ont parlé de Rocard, sans doute, et de la stratégie à suivre, pour Mitterrand, dans l'année qui vient, capitale. Les idées de Michel Rocard seraient à tout prendre plus proches de celles de Maurice Faure. Celles de Mitterrand lui paraissent parfois excessives, et le Programme commun n'a jamais eu ses faveurs. Il n'empêche : question de génération, peut-être, il n'y a qu'auprès de Maurice Faure, dans ces rares journées arrachées au temps qu'ils partagent une fois l'an à la même époque, que François Mitterrand se sent parfaitement à l'abri. C'est si vrai que, quels que soient mes efforts pour savoir ce qu'ils se sont dit, je sais déjà que je n'y parviendrai pas.

    6 janvier
    Je reviens sur les traditionnels discours de vœux du chef de l'État. Aux corps constitués (puisque c'est ainsi qu'on appelle le Conseil d'État, la Cour des comptes, le Conseil constitutionnel, etc., lorsqu'on les réunit pour une grande occasion), Giscard a parlé d'unité. « L'unité, a-t-il dit de son ton inimitable (ou plus exactement si particulier qu'il ne cesse d'être imité par Thierry Le Luron et d'autres), répond à la nécessité. Une France divisée aurait d'autant moins de chances de maintenir son rang, de triompher des difficultés que réserve le monde à venir... Est-ce trop rêver de croire que les circonstances sont réunies pour que nous passions de la lutte de factions à l'effort de l'équipe de France ? »
    Discours bienvenu à la fin d'une année qui, en matière de divisions, aura valu son pesant d'or. Seulement voilà : à peine Giscard avait-il prononcé ces mots qu'il s'est débrouillé pour diviser davantage encore la majorité. Il a invité François Mitterrand et Georges Marchais à « prendre contact » avec le ministre des Affaires étrangères pour « leur information personnelle » sur la crise internationale actuelle – l'invasion de l'Afghanistan et l'augmentation du prix du pétrole 64 . Il a même invité Mitterrand, « si l'évolution de la situation le rendait nécessaire », à venir lui rendre visite. Réponse immédiate de l'intéressé : Lionel Jospin ira voir François-Poncet. Pas question qu'il y aille lui-même : il se réserve pour Giscard. Pas de réponse, pour le moment, du PC.
    Qui n'a-t-il pas invité ? Jacques Chirac. Pourquoi ? Parce que, dit-on à l'Élysée, sans rire, Maurice Couve de Murville, président de la commission des affaires étrangères à l'Assemblée nationale, n'a pas besoin d'informations supplémentaires.
    L'unité, oui. Avec Chirac ? Non.

    8 janvier
    Au Kremlin, Georges Marchais, reposé et hâlé par le soleil de Cuba où il vient tout juste de passer quelques jours de vacances, serre entre ses mains les deux mains de Leonid Brejnev 1 . La photo que j'ai vue tout à l'heure le montre s'adressant au dirigeant soviétique avec un large sourire. Brejnev, lui, plisse les yeux de contentement.
    Pendant ce temps-là, en France, au Parti communiste, c'est le désarroi total. C'est ce que me décrit Antoine Spire 2  : une vingtaine de journalistes de L'Humanité-dimanche sont en désaccord avec la position de la direction sur l'Afghanistan ; un membre du bureau fédéral, Yvon Quiniou, signe une pétition contre les Soviétiques en Afghanistan, que cosignent

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