Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
Vom Netzwerk:
peut-être même toujours dans l'usine Messerschmitt lorsque le territoire sur lequel elle était implantée fut libéré en 1945... par l'armée soviétique !
    Je ne peux tout vérifier de ses dires, mais il est certain que le récit de Charles Tillon corrobore les articles de L'Express . Quelques minutes après avoir achevé son récit sur Marchais travailleur allemand, il me raconte comment sa biographie officielle a été réécrite par les dirigeants communistes eux-mêmes :
    « Quand les communistes ont quitté le gouvernement, en 1947, me raconte-t-il, Thorez a présidé une grande réunion, suivie d'une réception, avec le gratin du Parti communiste. D'un seul coup, Marchais est apparu parmi nous – il figure sur des photos de l'époque –, ce qui prouve qu'il avait adhéré avant cette date. Pourquoi était-il déjà là ? Ou bien c'est alors un homme de confiance, ou bien il est garde du corps. Lorsque certains d'entre nous ont demandé ce qu'il faisait parmi eux, Jacques Duclos a inventé une histoire : Georges Marchais était à Paris depuis 1943, prétendit-il, il a assisté à l'insurrection parisienne en 1944 tout en restant inconnu de nous, il a adhéré en 1947 pour montrer sa solidarité avec le Parti au moment où celui-ci quittait le gouvernement. Pas un mot alors sur son passage en Allemagne de la part du responsable des cadres du Parti », précise Tillon.
    « Que fait-il au PC ?, s'interroge-t-il, tout entier replongé dans son passé. Il habite chez Maurice Thorez ; le couple Thorez l'amène partout. Il n'est pas garde du corps, car il n'a jamais été armé. Au reste, il n'est pas bâti pour être domestique ! Partout il fait preuve d'un insondable culot. Oui, oui, du culot, pas de l'audace ! »
    Sur le déroulement de la carrière de Marchais, Charles Tillon – nous parlons depuis déjà deux heures – ne me fait grâce de rien : Marchais est renvoyé par le Parti à l'usine. Il y devient très rapidement cadre syndical, un militant de la CGT, jusqu'en 1952. Puis, grâce à un haut dirigeant du Parti, Raymond Guyot, Marchais devient permanent du PC. Dès lors intouchable, selon Tillon, parce que proche de Raymond Guyot. Il passe par la fameuse école des cadres, en France puis à Moscou. C'est en 1969 qu'on commence à parler vraiment de lui : Waldeck Rochet le prend à ses côtés au secrétariat du Parti.
    « Comme Waldeck, lui, était un brave homme, il faut bien conclure qu'une décision de Moscou l'a obligé à recruter Marchais parmi son équipe au secrétariat général du Parti. »
    Marchais libéré en 1945 par les Russes, Marchais recruté par Raymond Guyot, que Tillon juge très proche des Soviétiques, Marchais imposé dans l'entourage du gentil Waldeck Rochet ? Le réquisitoire de Charles Tillon, d'autant plus passionné qu'il a lui-même souffert plusieurs fois de la direction du Parti, est rude. Difficile, après cela, de regarder Georges Marchais de la même façon qu'auparavant.
    Je demande à Tillon pourquoi les premiers bruits autour de la fabuleuse ascension de Marchais au sein du Parti datent de 1970 ? Parce que, m'explique-t-il, c'est l'époque où Roger Garaudy est exclu du PC, et que, concomitamment, un journal prochinois proche de lui livre ses premières informations.
    « C'est alors, confirme-t-il, que j'ai pensé, avec d'autres, que nous ne pouvions plus nous taire, d'autant moins que la Tchécoslovaquie avait été envahie et que la normalisation était à la mode chez nos grands frères soviétiques. Avec Garaudy, Pronteau, Kriegel-Valrimont, nous avons signé un texte qui a fait scandale : “Il n'est plus possible de nous taire.” »
    La réaction a été rapide : Jacques Duclos lit un communiqué du bureau politique qui le condamne – « avec mon mépris », ajoute-t-il pour faire bonne mesure. Le lendemain, Marchais lui-même prend la parole et affirme qu'au début de la guerre, il ne savait rien, assure qu'il s'est évadé d'Allemagne dès la première occasion, en 1943. Et Duclos répète : « Nous étions tous au courant, nous connaissons parfaitement la vie et les actes de Georges Marchais. Le moment va venir où nous dirons tout. »
    Dans les années qui suivent, c'est Auguste Lecœur, un résistant lui aussi, qui « balance 22  » l'histoire Marchais. Minute aussi, mais c'est par un autre chemin. Marchais attaque pour falsification l'ancien dirigeant communiste et le journal d'extrême droite.
    Tillon termine ce

Weitere Kostenlose Bücher