Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986
« L'honnêteté et la vérité sont de notre côté. La boue est de l'autre côté. »
Fin de la prestation Marchais.
Je ne sais pas si c'est lui qui donne le ton, mais la « décrispation » chère à Giscard au début de son mandat ne me semble pas du tout à l'ordre du jour. Au contraire : les hommes politiques sont tombés sur la tête. Claude Labbé vient de dire dans Paris Match de Michel Pinton, le délégué général de l'UDF, qu'il « était bête et méchant » !
22 mars
Congrès UDF placé samedi matin sous la présidence de Jean-Pierre Fourcade.
À 11 h 30, Poniatowski prend la parole. L'entrée des Soviétiques en Afghanistan est en toile de fond. Il décrit, comme Giscard, un monde en crise dans lequel la solidarité des Français est plus nécessaire que jamais. « Notre rôle, dit-il, est de tout faire pour que soit surmontée cette crise, pour éviter que le monde entre en conflit. Nous refusons un monde divisé en deux blocs, nous n'acceptons pas la notion de superpuissance, pas plus que nous n'acceptons que les intérêts du monde soient liés à ces superpuissances ! »
Diable, Ponia serait-il devenu gaulliste ? Son discours pourrait en tout cas le laisser croire. D'autant qu'il poursuit sur le rôle de la France qui doit « s'identifier à des causes généreuses : la lutte contre la faim, le désarmement ».
Reprenant à sa façon le slogan de Giscard : « La France doit être gouvernée au centre », il dit, lui, que le « monde doit être gouverné au centre. Que la France doit être le trait d'union entre les deux parties de l'Europe, l'Europe de la liberté et celle de l'oppression ».
Je relève intégralement un passage de son discours écrit, tel qu'il est distribué, où il explique les raisons du sentiment qu'a la France de son indépendance : « La France, expose Ponia, est née de son opposition au Saint Empire et à la Papauté. Elle s'est affirmée contre les dynasties européennes. Elle a toujours su préserver le sentiment de son identité nationale, et aujourd'hui elle doit maintenir le caractère fondamentalement original de sa politique étrangère. »
Ce raccourci historique, sur lequel personne autour de moi ni parmi les congressistes ne semble s'arrêter, me plaît bien. Peut-être Debré lui-même n'aurait-il rien à y redire !
Tandis que j'écoute d'une oreille distraite les orateurs qui lui succèdent (René Lenoir, Lionel Stoleru, Jacques Barrot, Michel Debatisse, syndicaliste chrétien, nouvel adhérent de l'UDF), j'en profite pour mettre noir sur blanc ce que Jean Lecanuet m'a raconté hier, 21 mars, au sujet de Ponia. Il trouve que celui-ci ne manque pas de toupet quand, dans sa dernière interview à L'Express , il a dit que lui, Lecanuet, n'était venu qu'une seule fois au Parlement européen. « Il charrie, me précise Lecanuet, parce que la fois où je suis venu, c'était pour le faire élire ! »
Il a en effet, avec les démocrates-chrétiens de ses amis, assuré l'élection de Ponia à la Commission du développement du Parlement européen.
Furieux, le lendemain de la sortie de l'interview, Jean Lecanuet a dit à Ponia : « Tout de même, tu exagères, ce n'est pas correct ! »
J'ai demandé à Lecanuet : « Et alors, qu'a-t-il répondu ?
– Rien, me dit-il, il a ri. Quand il fait une gaffe, il rougit et il rigole ! »
Le reste du congrès est sans intérêt.
27 mars
Président de l'UDF, après tout, même si Poniatowski a tendance à l'oublier, Jean Lecanuet m'affirme que pendant ce congrès (je n'ai pas même pris en notes ce qu'il y a dit), il n'a consulté l'Élysée que sur deux points seulement. Pour s'assurer d'abord de la position de Giscard sur l'aménagement des horaires de travail, ne voulant pas rééditer ce qui, paraît-il (j'ai pour ma part oublié), s'était passé l'année dernière avec le couac provoqué par les positions des uns et des autres sur l'impôt sur le capital. Ensuite, deuxième point, sur la façon de parler d'Arafat et de ce qu'il y avait à en attendre pour la France. Manifestement, Lecanuet craint que son auditoire n'apprécie pas la reconnaissance par Giscard, il y a quelques jours, du droit du peuple palestinien à l'indépendance et de Yasser Arafat comme interlocuteur qualifié.
Autrement, m'assure-t-il, aucun coup de téléphone à l'Élysée pendant tout ce congrès UDF. Qu'est-ce que cela veut dire, sinon que Giscard s'en fout ? Il a Ponia, il n'a nul
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