Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986
sera dépassée. Que l'augmentation thermique ne pourra pas rester clandestine, qu'ils seront repérés avec un simple thermomètre !
Sur la détente, pas de nouveauté par rapport à ce que Jean François-Poncet m'avait dit il y a quelques jours : le Président reste persuadé qu'il fallait rencontrer Brejnev à Varsovie en mai dernier, et qu'il faut, le mois prochain, participer à la conférence de Madrid.
Il ne fait pas grand cas d'Edward Gierek, « démissionné » il n'y a pas longtemps. Et raconte une conversation qu'il a eue avec lui bien avant les événements de Gdansk : « J'ai vu Gierek, raconte-t-il. Il me disait qu'il voulait développer le secteur des petites et moyennes entreprises en Pologne. Je lui répondais : oui, mais alors il faut assouplir le Plan ! Vous n'y pensez pas, m'a-t-il répondu, pas question de toucher au Plan ! »
VGE conclut que Gierek n'était pas, contrairement à certains dirigeants polonais ou tchécoslovaques, en train d'imaginer la moindre réforme du système existant. « C'était un communiste, un vrai ! » juge-t-il.
J'ai rapporté à Paul-Marie de la Gorce, spécialiste de la Défense – je pense que Giscard ne le mettait sans doute pas au nombre de ceux qui connaissent le sujet, mais le connaît pourtant pas mal –, cette conversation sur l'armée française. Sa réaction : « Il s'est fait bourrer le mou par Schmidt, voilà tout. »
9 octobre
Six jours après l'attentat de la rue Copernic, je rencontre dans un dîner Simone Veil, bouleversée 46 . Elle est émouvante, parce que vraiment touchée au fond d'elle-même. Elle n'est pas religieuse, mais remuée au plus profond par tout ce qui lui rappelle les traitements subis par les Juifs. « Trente-cinq années passées à tenter de passer l'éponge sur la violence, qui resurgit d'un coup. »
Sur les réactions de Giscard et de Barre, elle se montre très dure : « Jamais je n'ai vu deux personnes plus imperméables aux problèmes de la communauté juive, encore que je n'aime pas ce terme. On peut en parler à Jacques Chirac. Mais pas avec le président de la République ! »
Que la panique, l'improvisation aient été compréhensibles le soir même, soit ; mais elle appuie : « Il est lamentable que personne ne soit venu le matin à la synagogue. Quand j'ai posé la question à l'Élysée, on m'a répondu : “On n'y a pas pensé !” C'est pire que tout... »
Il faut dire que Giscard était à la chasse lorsque l'explosion a eu lieu. Il n'a pas cru nécessaire de rentrer à Paris. Quant à Raymond Barre, il y est allé pour dire des conneries qui lui colleront longtemps à la peau. Les « Français innocents » qui auraient pu mourir, ça, vraiment, il fallait l'inventer ! Je ne sais même pas comment cette phrase lui est venue à la bouche, même si je ne suis pas particulièrement, moi non plus, perméable aux problèmes de la « communauté juive », parce que je trouve que dans la France il n'y a pas de communautés, il y a des Français !
Barre « bouclier » de Giscard, Barre « fusible » du président de la République ? Cela fait plusieurs mois que nous, les journalistes, nous posons la question d'un journal à l'autre. En la circonstance, Barre a plutôt « plombé » l'exécutif dans son ensemble, non ?
10 octobre
Je n'ai pas vu Chirac depuis longtemps. Michel Debré me fait le récit de leur dernier tête-à-tête, avant-hier. Jacques Chirac fait irruption dans la pièce où l'attend Debré (privilège de l'âge) et lui livre tout de go son analyse. Celle-ci repose sur deux points.
D'abord, assure-t-il, VGE n'est pas assuré de se représenter. Le Canard enchaîné se préparerait à rendre publique une révélation (laquelle ?) de Jean-Bedel Bokassa sur lui, cela l'énerve au plus haut point : « Il est très nerveux, affirme Jacques Chirac ; la preuve, c'est qu'il va tout le temps à la chasse. »
Deuxième point : « Les conversations avec François Mitterrand, dit-il encore, sont très avancées. Je n'ai pas déjeuné avec lui, mais je suis assuré d'avoir le désistement socialiste au deuxième tour de l'élection. »
Debré est certain, au contraire, que Jacques Chirac a bel et bien dîné avec François Mitterrand, parce que Jean de Lipkowski, chez qui le repas aurait eu lieu, le lui a dit. Mais il ne croit pas utile d'engager la polémique sur ce terrain. Il répond aussi calmement qu'il le peut à Chirac : 1) Qu'il pense que
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