Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986
irrité sous ses sourcils abondants. Pas moyen de lui tirer un sourire. L'émission commence sans que nous ayons échangé un mot au préalable.
Je passe sur les réponses aux questions bateau pour arriver à la question essentielle, qui est celle-ci (je l'écris ici telle que je l'ai rédigée samedi, car elle est un peu longue) : « Manuel Azcarate, n o 2 du PC espagnol, a dit hier que le Parti espagnol romprait avec l'URSS en cas d'intervention soviétique en Pologne. Berlinguer, secrétaire général du PC italien, a fait savoir qu'il adopterait la même attitude. Vous-même aviez dit, début septembre, que tout ne marchait pas pour le mieux en Pologne. Que ferait le PC français en cas d'intervention soviétique à Varsovie ? D'abord, croyez-vous cela possible ? »
La réponse de Georges Marchais est marquée par le courroux. Il commence par objecter que chaque parti communiste est libre, et qu'il ne se sent pas concerné par les prises de position de tout un chacun. Il en profite pour s'insurger contre le fait que la question sur une « prétendue intervention » puisse lui être posée. Quant aux communistes italiens, « ils compromettent le processus de la démocratisation polonaise ». Marchais, lui, est confiant : il souhaite plein succès au Parti ouvrier polonais.
Que dire ? Je suis découragée autant par l'accueil qui m'a été réservé que par la pauvreté des réponses fournies.
Nous voici revenus à la guerre froide. Il y a quelque chose de dépassé, je dirais même de franchement ridicule dans l'attitude de Marchais.
16 décembre
Marie-France Garaud écrit une lettre ouverte à VGE. Michel Debré, qui me téléphone de la Réunion, en commente la forme : « Ma propre lettre au Président était sévère. La seule différence, c'est que je ne l'ai pas publiée. Ce n'est pas seulement une différence de style, mais une différence de mœurs. »
22 décembre
Bruno Cortes, qui rentre d'Israël où il a accompagné Mitterrand pour RTL, raconte cette anecdote : François Mitterrand, sortant d'un rendez-vous avec un membre du gouvernement israélien, tombe sur un tas de jeunes gens, congressistes de l'Union mondiale des Jeunes Juifs. Il répond amicalement aux questions qu'ils lui posent.
À quelques mètres de là, un touriste américain demande qui est cet homme qui parle au milieu du groupe, devant lui.
« C'est le leader du Parti socialiste français, lui indique-t-on.
– Ah, s'exclame l'Américain, Léon Blum ? »
23 décembre
De Gilles Martinet, cette autre petite histoire qui en dit long sur l'amertume des rocardiens. Christian Blanc parle de François Mitterrand au cours d'une réunion rocardienne. Il s'exclame : « C'est un putschiste ! – Tu exagères un peu ! » lui objecte Martinet.
Christian Blanc convient qu'il est allé un peu loin.
Sur l'insistance de Jacques Attali, Mitterrand a accepté un dîner chez Claude Perdriel 55 avec quelques journalistes. À la fin du repas, Perdriel l'assure du soutien de ses journaux : « Vous avez Le Matin à votre disposition, vous pouvez y compter ! » Mitterrand explose : « J'ai appris à m'en passer ! assure-t-il. Faites ce que vous voulez, je me fiche complètement de la presse écrite ! »
1 Augmentation inéluctable après la réunion des pays producteurs de pétrole à Caracas à la fin de l'année 1979.
2 Le 24 décembre 1979, plusieurs milliers de parachutistes soviétiques sont déposés sur les principaux aéroports afghans. Officiellement, il s'agit d'un simple « réaménagement » ou d'un renforcement de la contribution de l'URSS à la lutte contre les rebelles qui menacent le nouveau régime afghan mis en place depuis l'année précédente. Le 27 décembre, les troupes soviétiques débarquent le chef de l'État afghan, Hafizullah Amin, et installent à sa place dans le palais présidentiel Babrak Karmal.
3 Antoine Spire est à l'époque journaliste communiste. Auteur de nombreux livres, dont Profession : permanent (Seuil, 1980), devenu oppositionnel, il sera un des rédacteurs en chef du Matin de Paris et animera pendant vingt-trois ans une émission sur France Culture.
4 C'est lui finalement – et pas Gremetz – qui répondra à l'invitation de Jean François-Poncet et se rendra au ministère des Affaires étrangères pour un supplément d'information sur la crise.
5 À l'époque directeur du service politique de TF1.
6 Le physicien Andreï Sakharov, Prix Nobel de
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