Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986
de Jacques Chirac d'entrer en piste. Il est 11 h 16 3 , ce matin, quand, expédié depuis son bureau de l'hôtel de ville de Paris, son communiqué tombe sur les fils de l'AFP.
Sa déclaration de candidature était attendue, on ne parlait que de cela depuis un an. Pour ma part, j'étais convaincue depuis plusieurs mois que, malgré les dangers politiques qu'il y avait à le faire, Chirac se déclarerait. Mais, comment dire, cela restait virtuel, du domaine de l'hypothèse politique, de la spéculation. Aujourd'hui, tout change. Il n'y a plus de place pour le doute. Il est vraiment candidat, vraiment sur la ligne de départ.
Longuement pesé, son communiqué est un modèle du genre. D'abord parce qu'il est d'une concision remarquable. En une quinzaine de lignes, pas plus, sont résumées les grandes lignes et les raisons de sa candidature : la lutte contre le déclin de la France, avec quelques mots qui rappellent l'appel de Cochin. (Ce qui montre par parenthèse qu'il ne l'avait peut-être pas rédigé tout seul, mais qu'il avait bel et bien mis la main à la plume !) « La France est riche d'espoir et de culture. Elle a les moyens de la grandeur et du progrès, et pourtant elle s'affaiblit... Il faut arrêter ce processus de dégradation. »
L'anti-impérialisme, destiné à aller droit au cœur des anciens gaullistes : « À condition de le vouloir, la France peut renforcer sa sécurité et sa présence dans le monde, et porter son message de paix et de dignité à tous les peuples qui veulent continuer à disposer d'eux-mêmes. »
Le volontarisme : « Aucune fatalité ne condamne notre pays au repliement. Seules lui manquent aujourd'hui l'ambition du rang et la volonté de l'effort. »
Tout est dit, effectivement, en ces quelques lignes.
Michel Debré m'appelle dans la matinée sans manifester le moindre signe de détresse. Il a néanmoins demandé à ses « compagnons » gaullistes de ne pas participer au congrès du RPR, samedi, pour ne pas entériner la déclaration de Chirac.
Pourtant, je ne vois pas ce qui sépare, sur le fond, les deux candidatures du RPR. Et pas davantage dans le vocabulaire. Je me demande – mais je n'ose le lui demander – ce que sa candidature va devenir maintenant, et quel sens elle a. Selon le dernier sondage publié par Paris Match , il est tombé à 2,5 %.
4 février
Il ne s'est pas écoulé vingt-quatre heures depuis la déclaration de Chirac que Giscard réplique de façon détournée dans Jours de France par un « Je suis fier d'être français 4 ! ».
Sans doute a-t-il senti que Jacques Chirac avait, dans sa déclaration, touché à quelque chose d'important dans l'esprit des Français. La France est une puissance moyenne, certes. Mais Giscard a-t-il raison de le dire, de le répéter avec insistance et sur tous les tons ? Chirac parle de l'affaiblissement de la France et entreprend de lutter contre sa désagrégation. Du coup, Giscard affirme que « parmi les pays du monde, la France est un des pays qui sont considérés comme ayant une vie exemplaire ! ».
Quant à réserver ses premières confidences de la campagne à Jours de France , le journal « des rois et des reines », est-ce bien raisonnable ?
À propos de roi, je reste persuadée que si Chirac a changé, s'il s'est ainsi transformé de Premier ministre souvent brimé en candidat déterminé à la Présidence de la République, c'est en grande partie par la faute – inconsciente, certes – de Giscard lui-même. Je me rappelle cette interview télévisée où celui-ci, bien calé dans son fauteuil Louis XV, bien calme, bien serein, a parlé de Jacques Chirac sans même le nommer, en suggérant qu'il avait été un Premier ministre « agité » ! Phrase qui avait plongé Chirac dans l'indignation et qui, surtout, lui avait causé un tort politique immense.
Le problème est de savoir pourquoi réellement, aujourd'hui, Chirac défie Giscard. Pour le convaincre de changer ? Dans ce cas, il fera voter pour lui au deuxième tour après l'avoir combattu au premier. Ou pour changer de président ? Le défi de Chirac, dans ce cas, servirait à faire élire Mitterrand !
5 février
Hervé de Charrette trouve qu'avoir convoqué le congrès de l'UDF juste après la date qui sera sans doute celle de la déclaration de Giscard est une très, très mauvaise idée. « Copier le RPR, qui a également annoncé son congrès sitôt après la déclaration de candidature de
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