Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986
ou pas, il ne votera pas, on s'en douterait, pour Mitterrand. Que le programme économique de Chirac, mis au point par Jean Méo, comprendra l'abandon de la TVA, l'allégement des impôts, la réduction des taxes sur les entreprises. Le plus important est le couplet qu'il nous fait sur Raymond Barre, dont il juge l'action formidable : liberté rendue à des secteurs économiques entiers, compétitivité accrue et recherchée. Pas un mot sur Giscard, mais il réitère trois fois son hommage à Barre.
Dernière indication, enfin : le CNPF n'interviendra pas, ne donnera pas de consignes de vote avant le premier tour, mais il se réserve d'intervenir fortement, à ce qu'il semble, entre les deux tours.
10 février
Déjeuner avec Mauroy juste avant la conférence de presse de Chirac, prévue pour l'après-midi. Il raconte avec assez de drôlerie comment Mitterrand, parti pour contrer les rocardiens sur une ligne de gauche extrême, au congrès de Metz, a rejoint petit à petit la ligne politique du même Michel Rocard. Une réussite totale auquel le livre de Mitterrand publié en novembre dernier, Ici et maintenant 5 , vendu à une centaine de milliers d'exemplaires, a beaucoup contribué.
Mauroy continue à penser que Michel Rocard aurait été un meilleur candidat au premier tour. Mais, il le concède, peut-être pas au deuxième, à cause du réflexe des électeurs communistes qui, ayant pour la plupart déjà voté Mitterrand en 1965 et 1974, pourront mieux récidiver.
Conférence de presse de Jacques Chirac dans les salons de l'hôtel Sheraton. Le décor, orange et bleu, est sans difficulté plus sobre que celui du Parc floral, la semaine dernière. Après avoir rendu public un communiqué particulièrement bref, il était naturel que cette conférence de presse soit d'une longueur inusitée.
Pourquoi s'est-il décidé ? Passons sur les raisons proprement irrationnelles (il en rêvait, il ne veut que cela, c'est son moteur, il n'en a pas d'autre) dont il ne parle pas. Il a choisi de se présenter, dit-il, parce que « le bilan de Giscard ne conduit pas spontanément de gaieté de cœur certains d'entre nous à lui redonner un bail de sept ans ». Tandis que, parallèlement, le candidat socialiste, même s'il n'est plus le candidat du Programme commun, ne peut cependant être élu qu'avec les voix communistes.
Entre les deux, donc, sa volonté est d'ouvrir une nouvelle voie entre le « libéralisme affiché » et le « collectivisme rampant » : le changement sans risque, voilà ce qu'il promet. Rendre la responsabilité aux hommes et aux entreprises, lutter par priorité contre le chômage, seule condition pour réduire l'inflation qui ronge notre monnaie, bâtir une nouvelle politique sociale qui ne cède pas à deux tentations : la généralisation de l'assistance et la démagogie.
Suit un couplet, en réponse à une question posée par André Passeron, du Monde , sur les prélèvements fiscaux en France, passés de 36 % du PIB en 1974 à 42 % en 1981 : « Au rythme du septennat, dit-il non sans user de la démagogie qu'il dénonçait une phrase auparavant, encore une période de sept ans et les Français travailleront un jour sur deux pour payer leurs impôts ! »
Aucun doute : les attaques qu'il formule contre Giscard sont essentielles dans sa conférence de presse où il parle peu, en définitive, de Mitterrand et de la gauche. D'emblée, l'adversaire désigné est de manière évidente Giscard. Même s'il entend définir une « nouvelle politique », Chirac présente une politique plus libérale que Giscard avec l'affichage sur la baisse des impôts et la baisse des charges des entreprises. Il apparaît ainsi – je ne sais pas si c'est volontaire – plus à droite, plus « reaganien » que Giscard. Ce n'est pas sans risques pour lui : Giscard peut ainsi, sans doute, se retrouver dans une situation stratégique idéale. Entre Mitterrand et Chirac, il incarnera, s'il se débrouille, un centre droit bien plus consensuel.
Beaucoup de questions économiques et internationales. Et ces quelques phrases, dites à sa manière, avec un curieux mélange de force et de désinvolture à la fois : on lui demande s'il compte gagner ; il ne va pas dire non. « Évidemment, si je n'avais pas la conviction de gagner, je ne serais pas devant vous ! Je ne vais pas faire un petit tour ! »
Michel Debré ? « J'ai exposé mes raisons. Michel Debré a exposé les siennes. Elles sont
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