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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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donc sa candidature entre le 2 et le 4 février. Le RPR, évidemment, le soutiendra. L'état-major de sa campagne sera formé du triumvirat Messmer-Labbé-Pons (d'après Michel Debré).
    Je suis plutôt sceptique : je ne vois pas Chirac faire confiance à ce trio-là pour animer sa campagne.

    24 janvier
    Congrès du Parti socialiste à Créteil. J'écris pendant que la séance se déroule dans un climat que je n'aurais pas imaginé il y a seulement trois mois, quand tout le Parti, y compris les proches de Mitterrand, s'interrogeait sur ses chances de succès face à Michel Rocard.
    Arrivant en retard, je rate le rapport de Jean Poperen qui ouvre les débats. Il se poursuit par la longue litanie de tous les premiers secrétaires fédéraux qui appellent à se prononcer pour Mitterrand. Vote et résultat final : 83,64 % pour François Mitterrand. Une désignation de président d'une république africaine !
    Annonçant le résultat, Gaston Defferre fait de l'humour : « Je n'aurais pas la prétention de dire que les Français vous choisiront à une telle majorité. » Suit un de ces cafouillages dont Gaston a le secret, où il assure que Mitterrand peut devenir le premier président de la V e  République. Après un instant de stupeur, les militants socialistes rectifient d'eux-mêmes : Mitterrand serait, s'il est élu, le premier président socialiste de la V e  République !
    La salle, bon enfant et habituée aux approximations de Gaston, applaudit quand même chaleureusement.
    Suit une séance du comité directeur au cours de laquelle Lionel Jospin est élu premier secrétaire par intérim. Louis Mermaz dit ensuite quelques mots et Pierre Bérégovoy lui succède à la tribune. Quelques mots seulement : « Béré » se félicite de cette « victoire sur le doute, sur l'injustice, sur l'équivoque. Bon courage, François Mitterrand, bon courage au PS ! » clame-t-il dans un enthousiasme fou, doublé d'un chahut d'enfer.
    Fraîchement désigné, Lionel Jospin prend la parole à son tour. Un hymne à Mitterrand pour commencer, avec une éloquence que je ne soupçonnais pas encore chez ce nouveau premier secrétaire, et des trémolos dans la voix qui traduisent, chez cet être austère et peu communicatif, une grande émotion.
    « Cet homme – il parle de François Mitterrand –, renonçant au pouvoir pour ne pas renoncer à ses idées, a rencontré sur sa route le PS, il a été compris par lui au point de l'incarner. Le voilà avec un autre rendez-vous, avec nous, avec les masses, et peut-être avec la majorité !
    « Il m'a beaucoup appris – continue Jospin qui doit en vérité à Mitterrand sa carrière fulgurante au sein du PS –, et notamment le sens du temps et la ténacité. Cet homme, il n'est pas question de le remplacer, mais de mettre le Parti à ses côtés dans la nouvelle bataille ! »
    Un passage en direction du PS, qui, à l'entendre, a « des grandes vertus et des petits travers », qu'il présente comme « produit de phases historiques successives, lieu de rencontre de sensibilités s'enchevêtrant parfois, se heurtant et se contredisant... ».
    C'est le moins qu'on puisse en dire alors qu'il se déchire depuis près de trois ans, que les clans et les camps s'y dénombrent sur les doigts des deux mains !
    Je mesure, tandis que Lionel Jospin termine son discours, le chemin qu'il a parcouru depuis qu'il est entré au Parti il n'y a pas si longtemps. Premier secrétaire par intérim, ça n'est pas rien. D'autres auraient pu y prétendre autour de Mitterrand, qui sont ses compagnons depuis plus longtemps : Charles Hernu, Louis Mermaz, Claude Estier. Non, il leur a préféré un plus jeune, plus jeune adhérent et plus fraîchement rallié à sa cause. Un élément très important dans la montée de Jospin : le rapport dont Mitterrand l'avait chargé il y a deux ou trois ans sur le Parti communiste français. Apparemment, les siennes conclusions ont été proches de celles que souhaitait le candidat. D'où l'ascension de Lionel.
    Il est 12 h 40 quand Mitterrand s'adresse au congrès. Plus tôt dans la matinée, il a fait circuler une sorte de manifeste politique qui résume les Tables de la Loi de la future campagne. S'il ressent, au moment où il prend la parole, une certaine émotion, il la maîtrise. Pas le moindre tremblement de voix, pas le moindre signe de satisfaction ni de tension. Tout au plus remercie-t-il les socialistes de l'honneur qu'ils lui ont fait,

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