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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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Rousselet qui juge consternant l'état dans lequel se trouve le Parti socialiste au moment où la bataille va commencer. Les relations que le PS entretient avec la presse, notamment, l'inquiètent considérablement. Il me cite en exemple le conflit entre Lionel Jospin et RTL. Évoque le cas Fabius, qui se sent quelque peu délaissé. Me parle de Maïté Jourdan, la présidente du comité de soutien à François Mitterrand, qui est restée injoignable pendant quarante-huit heures. Ce ne serait pas grand-chose si la responsable de la communication n'était elle-même le plus souvent absente. Quant à Pierre Mauroy, désigné comme porte-parole de Mitterrand pendant la campagne, il devrait être aussi disponible que l'est Jean-Philippe Lecat, ce qui est loin d'être le cas.
    « Si Mitterrand ne veut pas de directeur de campagne, il devrait au moins s'adjoindre quelqu'un qui puisse, en toutes circonstances, être mobilisable et mobilisé ! »
    Comment une telle impréparation est-elle possible ? se demande André Rousselet dont l'entreprise, les Taxis G7, est précisément un modèle d'organisation. Depuis des mois, Mitterrand ne pense qu'à l'empoignade électorale. Mais personne, derrière lui, ne s'est préoccupé de mettre le Parti socialiste en ordre de bataille.
    Je note que ce n'est guère mieux ailleurs : Giscard en est encore à s'interroger sur l'attitude à avoir avec Chirac. Debré compte ses bataillons. Pas de nouvelles de Marie-France Garaud. On a peine à croire que l'élection a lieu dans quelques semaines.

    Je reviens sur une phrase de Michel Debré, l'autre soir : « La chance de Giscard, m'a-t-il dit, est que le programme de François Mitterrand n'est pas crédible. Sinon, il serait balayé ! »

    9 mars
    François Mitterrand est moins inquiet qu'André Rousselet sur l'impréparation du PS. Au contraire. Dans son bureau, il me montre aujourd'hui la future affiche de la campagne . Il en est littéralement ravi : derrière lui, sur la photo, Jacques Delors, Charles Hernu.
    « Cela fait équipe de gouvernement ! » dit ce loup solitaire, enchanté de voir devant lui un pouvoir devenu accessible.
    Il me paraît moins fatigué que la semaine dernière, sans doute parce que, maintenant, l'action est proche.
    Je l'accompagne à Beauvais où a lieu, après les semaines de silence qu'il s'est imposées, son premier meeting. Pour la première fois, me semble-t-il, il prononce un discours d'une agressivité inouïe contre Giscard, comme si, maintenant sur la ligne de départ, il ne prenait plus de précautions. La guerre, c'est la guerre. Il s'en donne les moyens, voilà tout !

    10 mars
    Une heure avec Pierre Mendès France chez lui, rue du Conseiller-Colignon. Un appartement bourgeois, un bureau de style anglais sur lequel il a disposé des livres, à côté des pièces de réception.
    Son jugement sur la présidentielle ? « Il y a quelques mois, me dit-il, j'aurais mis ma main au feu que Giscard serait réélu ! Aujourd'hui, je continue à penser qu'il finira par être élu, mais je n'en donnerais pas ma main à couper. »
    La prestation de Jacques Chirac, qu'il connaît à peine, l'a, me dit-il, « ébloui ! Son programme économique, c'est zéro. Les 30 milliards qu'il affiche, on chercherait en vain où il les trouverait et à qui il les prendrait. Mais cela n'a aucune importance ! ».
    Il se ralliera à Mitterrand avant le début du mois d'avril, de façon spectaculaire. Oubliées de sa part, les relations difficiles, irrégulières, depuis près de trente ans, entre les deux hommes. Je doute que Mitterrand, plus rancunier, pardonne, lui, à Mendès France son attitude ancienne pendant l'affaire des fuites 12 , pas plus que ses réticences à lui venir en aide à l'occasion de l'élection présidentielle de 1965. Il enregistrera néanmoins avec bonheur son ralliement final !
    « D'autant, poursuit Mendès, que je comprends très bien les gens que Giscard a déçus. Je l'ai été moi-même. Je pensais que l'homme, arrivé au sommet de sa carrière, allait prendre une stature politique nouvelle et changer les choses ! Je l'ai souvent rencontré lorsqu'il était ministre des Finances. Il ne m'avait jamais paru avoir une ligne économique, une stratégie très fermes. Sur le plan financier, c'est un opportuniste, il arrange les choses au coup par coup, contrairement à ce que l'on croit ! »
    Pourtant, Mendès avoue « y avoir cru » en 1974 : « Je pensais, s'excuse-t-il

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